La surveillance des communications électroniques par l’employeur

Patricia VIANE CAUVAIN
Patricia VIANE CAUVAIN - Avocat

 

Source : Arrêt rendu par la Grande Chambre de la COUR EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME Affaire BARBULESCU / ROUMANIE Requête n°61496/08

 

La Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a rendu un arrêt très médiatisé ce 5 septembre 2017.

 

En l’occurrence, un salarié roumain, Monsieur BARBULESCU travailleur dans une entreprise en qualité d’ingénieur en charge des ventes a été licencié motif pris de l’absence de respect du règlement intérieur qui interdit l’usage de la messagerie Yahoo Messenger à des fins personnelles.

 

Le salarié a soutenu qu’il n’avait utilisé ce service qu’à des fins professionnelles pour répondre aux demandes des clients.

 

L’employeur procède au licenciement qu’il justifie en produisant la transcription des messages ( soit quarante cinq pages) que le salarié a échangés avec ses proches sur des questions strictement privées.

 

Monsieur BARBULESCU a contesté son licenciement et a été débouté de ses demandes par le Tribunal départemental de Bucarest.

 

Le salarié n’a pas davantage rencontré de succès en appel ; il a introduit une requête devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui par un arrêt de Chambre en date du 12 janvier 2016 juge que les juridictions internes ont ménagé un juste équilibre entre le droit de Monsieur BARBULESCU au respect de sa vie privée et de sa correspondance en vertu de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, et les intérêts de l’employeur.

 

Le salarié demande à ce que la Grande Chambre de la CEDH soit réunie.

 

La Cour relève qu’il a été informé des règles restrictives imposées par son employeur pour l’utilisation d’Internet mais toutefois, considère que les instructions d’un employeur « ne peuvent pas réduire à néant l’exercice de la vie privée et sociale sur le lieu de travail ».

 

Elle relève que les juridictions nationales « ont omis de rechercher si Monsieur avait été averti préalablement de la possibilité que son employeur mette en place des mesures de surveillance ainsi que la nature de ces mesures et ajoute que L’avertissement de l’employeur doit être donné avant que celui-ci ne commence son activité de surveillance. »

 

Par ailleurs, les juridictions nationales auraient du vérifier selon la Haute Cour l’existence de raisons légitimes qui auraient justifié la mise en place de la surveillance des communications du salarié.

 

Elle en déduit que les autorités nationales n’ont pas protégé de manière adéquate le droit du salarié au respect de sa vie privée et de sa correspondance et qu’elles n’ont pas ménagé un juste équilibre entre les intérêts en jeu ce qui conduit à conclure à la violation de l’article 8.

 

C’est la première fois que la Cour a à connaître d’une affaire qui a pour objet la surveillance des communications électroniques d’un salarié par une société privée.

 

La jurisprudence de la Chambre Sociale de la Cour de cassation sur le sujet n’en est pas très éloignée :

 

La mise en place d’un dispositif de surveillance de l’employeur doit être préalablement portée à la connaissance des salariés, justifiée par un intérêt légitime et proportionnée au but recherché.

 

Le salarié est protégé par ailleurs par le secret des correspondances lorsque le message est identifié comme personnel ou présente un caractère privé, relevant de la vie personnelle.

 

L’employeur ne peut « sans violer le secret des correspondances, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ce même au cas où l’employeur aurait interdit l’utilisation non professionnelle de l’ordinateur »[1].

 

Les courriels adressés ou reçus par le salarié sur sa messagerie personnelle distincte de la messagerie professionnelle sont à caractère nécessairement privé[2].

 

L’employeur ne peut en aucun cas produire des courriels du salarié qui ont un caractère privé voire intime[3].

 

Patricia VIANE CAUVAIN

Vivaldi-Avocats


[1] Cass Soc 12/10/2004 n°02-40392

[2] Cass Soc 26 janvier 2016 n°14-15.360

[3] Cass Soc 18/10/2011 n°10-25706

 

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