Gérant de SARL : Juste motif de révocation et quitus, la prudence s’impose !

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass.com., 12 février 2013, n° 134 F – D (N° 11-23.610).

 

Dans cette espèce, un gérant de SARL avait été révoqué par une décision de l’Assemblée Générale du 28 octobre 2008, de sorte qu’il avait assigné la société, ainsi que le gérant majoritaire en indemnisation du préjudice que lui avait occasionné cette révocation qu’il considérait comme abusive et vexatoire, tout en reprochant également à l’associé majoritaire un abus de majorité.

 

Ayant été débouté de ses demandes par un Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS du 09 novembre 2009, le dirigeant destitué relevait appel de cette décision et c’est ainsi que la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un Arrêt du 16 juin 2011, avait réformé le Jugement des Premiers Juges et condamné la société ainsi que l’associé majoritaire à lui payer une somme au titre de dommages et intérêts en réparation de la révocation vexatoire dont il avait fait l’objet.

 

A l’appui de sa décision, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE relevait que le gérant avait été révoqué par une Assemblée Générale Ordinaire du 28 octobre 2008, alors que les comptes du dernier exercice social, clôturés au 30 septembre 2008, avaient été ensuite approuvés par une Assemblée Générale du 30 mars 2009 qui lui avait donné quitus de sa gestion pour cette période, alors que l’associé majoritaire aurait parfaitement pu, s’il avait considéré qu’il existait des éléments suffisants pour justifier les faits qu’il avait reprochés en octobre 2008, refuser ce quitus.

 

Dès lors, la Cour en déduisait que la révocation du gérant était intervenue sans juste motif et que l’associé majoritaire avait manifestement abusé de sa position pour parvenir à la révocation dommageable du gérant, de sorte que tant la société que l’associé majoritaire devait être condamnés solidairement à l’indemniser.

 

Suite à cette décision, la société ainsi que l’associé majoritaire se pourvurent en Cassation.

 

A l’appui de leur pourvoi, ils font tout d’abord grief à l’Arrêt de la Cour d’Appel de les avoir condamnés solidairement à payer au gérant évincé une somme à titre de dommages et intérêts, alors que, selon eux, le quitus délivré au gérant d’une société pour sa gestion ne prive pas de juste motif la révocation prononcée en raison de détournements commis au préjudice d’autres sociétés du groupe, de telles fautes étant distinctes de la gestion approuvée par le quitus.

 

Mais la Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 12 février 2013, considère que ce moyen est inopérant dans la mesure où elle relève qu’aux termes de l’Arrêt de la Cour d’Appel, il résultait du procès-verbal de l’assemblée générale du 28 octobre 2008, que l’associé majoritaire faisait état d’une perte de confiance à l’égard du gérant et entendait faire un incident de séance après examen de l’activité de la société, des comptes sociaux de l’exercice écoulé, des perspectives d’avenir et de la gestion de la société, alors que les détournements allégués à l’encontre du gérant révoqué n’avaient pas été invoqués au soutien de la décision de révocation litigieuse.

 

Puis, la société ainsi que l’associé majoritaire invoquent à l’appui de leur pourvoi une violation de l’article 1382 du Code Civil, en ce que l’Arrêt retient que lors de l’Assemblée Générale du 30 mars 2009, devant approuver les comptes de l’exercice clos en 2008, le gérant majoritaire aurait pu refuser le quitus au gérant évincé s’il avait considéré qu’il existait des éléments suffisants pour justifier les faits qui lui avaient été reprochés en octobre 2008 et qu’il manifestement abusé de sa position d’associé majoritaire pour parvenir à la révocation de l’intéressé.

 

La Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 12 février 2013, accueille cette argumentation, casse et annule l’Arrêt de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE seulement en ce qu’il avait condamné l’associé majoritaire, conjointement et solidairement avec la société, à payer des dommages et intérêts au gérant révoqué en réparation de la révocation vexatoire dont il avait fait l’objet au motif que la Cour d’Appel, en s’abstenant de rechercher l’existence d’une volonté de nuire constitutif d’une faute personnelle, avait privé de base légale sa décision sur ce point.

 

 Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-avocats

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