En vertu de l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre des ordonnances dans les matières relevant normalement du domaine de la loi (et donc de l’article 34 de la Constitution), à la condition qu’une loi d’habilitation ait été votée par le Parlement. Le Gouvernement dispose ensuite d’un délai de 6 mois pour prendre des ordonnances à compter de la promulgation de la loi d’habilitation.
Le Gouvernement d’Edouard Philippe a fait connaître sa volonté de réformer le droit du travail par ordonnances.
Le 29 juin 2017, un projet de loi a été présenté par Madame la Ministre du Travail, Madame Muriel PENICAUD, à l’Assemblée Nationale afin d’obtenir le vote de cette loi d’habilitation.
Le projet de loi a été adopté en 1ère lecture par l’Assemblée Nationale le 13 juillet 2017 et, également en 1ère lecture par le Sénat le 27 juillet 2017.
Avant toute chose, il est important de rappeler que ces mesures ne sont que des projets et non des mesures définitives.
L’un des volets figurant dans le projet de loi d’habilitation concerne les ruptures du contrat de travail.
Divers points du licenciement pour motif personnel devraient être impactés par ces ordonnances.
Motivation du licenciement.
L’un des principes essentiels en droit du travail est que la lettre de licenciement fixe les limites du litige pour le juge. L’employeur doit donc énoncer les faits qu’il entend reprocher au salarié qu’il a licencié et le juge doit s’y tenir en cas d’éventuel litige devant la juridiction prud’homale.
Cependant, des problèmes se posent en pratique.
Du point de vue du salarié, il peut se retrouver face à une insécurité puisqu’il est possible qu’il se voit reprocher, dans la lettre de notification de son licenciement, des faits qui n’ont pas été évoqués lors de l’entretien préalable. Ainsi, il n’aura pas pu se défendre sur ces points. De plus, il y a toujours un risque d’insuffisance de motivation, ce qui prive le salarié de connaître exactement les griefs qui lui sont reprochés.
Du point de vue de l’employeur, l’exigence de la motivation est souvent vécue comme privilégiant la forme sur le fond.
Pour rétablir l’égalité, le Gouvernement entend prendre une mesure prévoyant qu’un vice de forme ne puisse pas rendre un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ainsi, un manque de motivation n’entraînerait pas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En revanche, pour contrebalancer cette mesure, l’ordonnance pourrait prévoir des adaptations aux conséquences d’un manquement éventuel de l’employeur.
Ces mesures passeraient donc par la mise en place d’un modèle-type de lettre de licenciement, type « Cerfa » qui constituerait une sécurité pour l’employeur. Mais cela passerait également par la possibilité pour le salarié de demander des explications complémentaires sur les griefs invoqués dans la lettre de licenciement.
Délais de recours contentieux.
Aujourd’hui, le délai de prescription en matière prud’homale devant le juge judiciaire est de 2 ans. Ce délai passe à 12 mois en matière de licenciement économique et en cas de contestation de l’homologation d’une rupture conventionnelle. Devant le juge administratif, le délai est de 2 mois.
Le gouvernement souhaite prendre des mesures afin de réduire les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail.
Cela pourrait amener le gouvernement à adopter un délai de prescription unique pour tous les motifs de rupture du contrat.
Barème des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif.
La loi Macron avait prévu un encadrement du montant des indemnités entre un plafond et un plancher en fonction des effectifs de l’entreprise.
Mais cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité devant la loi en raison de la précision « en fonction des effectifs de l’entreprise ».
Mais la loi Macron a créé un « référentiel indicatif » dont l’application peut être demandée par le salarié ou l’employeur ou directement appliqué par le juge, ainsi qu’un « barème indicatif » de dommages et intérêts forfaitaires pouvant être appliqué pendant la phase de conciliation prud’homale par le juge.
L’ordonnance aurait pour projet de prendre des mesures relatives à la réparation financière des irrégularités de fond et de forme du licenciement avec instauration de la « barémisation » des indemnités prud’homales.
Ainsi, le Gouvernement pourrait prévoir un « référentiel obligatoire », notamment en fonction de l’ancienneté du salarié, qui serait ainsi fixé pour les dommages et intérêts alloués par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’objectif est de lever les freins au recrutement et désencombrer les tribunaux.
Le Gouvernement voudrait définir un plafond et une échelle obligatoires des dommages et intérêts versés en cas de licenciement abusif.
Il est important de constater que le critère de l’effectif de l’entreprise n’est pas mentionné. Le projet de loi reprend le critère de l’ancienneté mais précise « notamment », ce qui prouve qu’il ne s’agit pas d’une liste limitative.
Il n’y a pas encore d’indication précise quant à la nature des indemnités concernées.
Mais il est légitime de croire que ce référentiel obligatoire concernerait les dommages et intérêts dus en cas de licenciement abusif, à l’exception des licenciements entachés par une faute de l’employeur d’une particulière gravité.
En revanche, pourraient ne pas être compris, comme il était prévu dans la « Loi Travail » du 08 août 2016, les licenciements résultant d’une discrimination ou de faits de harcèlement, dus à l’atteinte à l’intégrité de la personne. Mais également par exemple en cas de manquement grave de l’employeur, le licenciement en violation du droit de grève, du statut protecteur…
Mais le fait d’avoir un référentiel obligatoire entraînerait certaines conséquences.
Les dispositions de l’article L. 1235-1 du Code du travail relatives au référentiel indicatif pourraient être supprimées.
Le Code du travail fixe également des planchers et des plafonds de dommages et intérêts sanctionnant les autres irrégularités liées à la rupture du contrat. Ceux-ci pourraient également être modifiés.
Il est important de préciser que les modalités de calcul des indemnités de licenciement, légales ou conventionnelles, systématiquement versées à chaque salarié licencié (Sauf faute grave ou lourde) ne devraient pas être concernées par les ordonnances.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats