Un fonds de commerce exploité sur le domaine public ?

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

 

SOURCE : Cass.com.,28 mai 2013, n°12-14049, Publié au Bulletin

 

Une société donne en location gérance une pizzeria, implantée sur le domaine public maritime par contrat de concession. Au terme du contrat, le locataire gérant s’est maintenu dans les lieux : le loueur l’a assigné en restitution du fonds et réparation du préjudice.

 

Devant la Cour d’appel, le locataire gérant sollicitait la nullité du contrat de location gérance. En effet, dès lors que la pizzeria était implantée sur le domaine public, aucun fonds ne pouvait y être exploité.

 

La Cour d’appel d’Aix en Provence ne partage pas sa position, et le condamne au règlement de dommages et intérêts. Pour les juges du fond, il est incontestable que « l’exploitation d’un commerce sur le domaine public présente toujours une précarité interdisant l’application du statut des baux commerciaux », lequel « ne s’applique pas aux conventions ayant pour objet des biens dépendant du domaine public maritime »[1]. Cependant pour la Cour d’appel, cette circonstance « n’interdit pas que l’activité exercée puisse constituer un fonds de commerce, le droit au bail n’étant que l’un des éléments dont l’absence ne suffit pas à écarter l’existence d’un tel fonds ». Sa situation dans la galerie marchande permettant le ralliement de la clientèle, essence du fonds de commerce, un fonds est donc exploité dans les lieux.

 

Le locataire gérant se pourvoi en cassation, reprochant à la Cour d’appel de ne pas avoir recherché si la pizzeria bénéficiait d’une clientèle propre, qui seule permet de déterminer si un fonds est exploité.

 

La Chambre commercial de la Cour de cassation approuve la position de la Cour d’appel selon laquelle un fonds peut être exploité dans les lieux loués, position se distinguant ainsi de celle, catégorique, adoptée par le Conseil d’Etat, qui en rejette le principe[2].

 

Néanmoins, la Cour accueille favorablement les prétentions du locataire gérant, et casse l’arrêt d’appel, reprochant à la Cour de n’avoir pas recherché si le loueur « exploitait une clientèle attachée à l’activité de pizzeria qui soit distincte de celle du port de plaisance où elle était exercée »

 

La Haute juridiction judiciaire maintient donc sa position traditionnelle[3], consistant à assimiler l’activité exploitée sur le domaine public à l’activité exploitée par le commerçant enclavé ne bénéficiant pas de clientèle autonome par rapport à l’entreprise dominante[4].

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats



[1]Cass. 3e civ., 24 janv. 1996, no 94-12.952, Rev. loyers 1996, p. 353 ; Cass. 3e civ., 13 oct. 2004, no 02-20.631

[2]CE, 8° s-s, 28 avril 1965, n°53714, AJDA 1965 p655 note LAMARQUE ; CE, 2° et 7° s-s-r, 19 janvier 2011, n°323924

[3]Cass. Com., 3 février 1970, n°68-10522, Bull civ IV 1970 n°42 p42

[4]Ass.plen, 24 avril 1970, n°68-10914 ; 3ème civ, 19 mars 2003, n°01-17679 ; 3ème civ, 19 janv 2005, n°03-15283

 

 

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