Salarié protégé licencié pour inaptitude après autorisation administrative de licenciement : possibilité de faire valoir ses droits devant les Juridictions Judiciaires lorsque l’employeur a manqué à ses obligations.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass Soc., 29 juin 2017, Arrêt n°15-15.775 – (FS-P+B)

 

Une salariée engagée suivant contrat à durée indéterminée du 24 mai 2000 en qualité de médecin du travail par une association « santé au travail », va être placée en arrêt de travail pour maladie à compter du 18 février 2008.

 

Déclarée inapte à tout poste dans l’entreprise par le médecin du travail le 17 juillet 2008, la salariée va être convoquée à un entretien préalable pour le 23 septembre 2008, puis licenciée le 12 novembre 2008, après que son employeur ait obtenu l’autorisation administrative de procéder au licenciement.

 

Contestant la légitimité de son licenciement, la salariée va saisir la Juridiction Prud’homale de diverses demandes tendant à obtenir la reconnaissance d’un harcèlement moral commis par son employeur et l’allocation de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles.

 

Ses demandes vont être accueillies par les Premiers Juges, lesquels vont considérer que l’employeur n’a pas commis de harcèlement moral, mais vont néanmoins le condamner à 20 000 € de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations contractuelles.

 

En cause d’appel, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un Arrêt du 30 janvier 2015, va confirmer la décision des Premiers Juges, sauf sur le montant des dommages et intérêts, considérant principalement que la salariée avait droit à une somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à l’obligation de sécurité et 30 000 € de dommages et intérêts pour la perte de son emploi, outre l’indemnité compensatrice de préavis.

 

Pour fonder sa décision, l’Arrêt d’appel relève que l’employeur a commis un manquement à son obligation de sécurité à l’égard du salarié, de sorte qu’il doit être déclaré responsable de la dégradation de l’état de santé de celui-ci ayant conduit à son licenciement pour inaptitude.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, l’employeur fait grief à l’Arrêt d’appel de le condamner au paiement de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité, pour la perte d’emploi, ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis, alors que l’existence d’un harcèlement n’avait pas été reconnue et que les dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité et les dommages et intérêts pour perte de son emploi, constituaient pour le salarié plusieurs indemnisations pour le même préjudice, et qu’en outre le licenciement pour inaptitude ayant été autorisé par l’Inspecteur du Travail, le salarié ne pouvait obtenir, en aucun cas, le paiement d’une indemnité de préavis.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Relevant, au contraire, que dans le cas où une demande d’autorisation de licenciement d’un salarié protégé est motivée par son inaptitude physique, il appartient à l’administration de vérifier que l’inaptitude physique du salarié est réelle et justifie son licenciement, mais qu’il ne lui appartient pas, en revanche, dans l’exercice de son contrôle de rechercher la cause de cette inaptitude, de sorte que l’autorisation de licenciement donnée par l’Inspecteur du Travail ne fait pas obstacle à ce que le salarié fasse valoir devant les Juridictions Judicaires tous les droits résultant de l’origine de l’inaptitude lorsqu’il l’attribue à un manquement de l’employeur à ses obligations.

 

Et relevant, en outre, qu’appréciant souverainement les éléments de faits et de preuves qui lui étaient soumis, la Cour d’Appel qui a relevé que la salariée avait subi pendant de nombreuses années une profonde désorganisation de son travail et un accroissement de sa charge de travail et que malgré ces nombreuses plaintes, l’employeur n’avait procédé à aucune modification de ses conditions de travail, lesquelles avaient eu des répercutions sur sa santé mentale, de sorte que la Cour qui a estimé que cet employeur, qui avait commis un manquement à son obligation de sécurité, dont la salariée était fondée à solliciter réparation du préjudice en résultant, et que l’inaptitude de la salariée était en lien avec ce manquement, en a exactement décidé que celle-ci était en droit de percevoir une indemnité pour perte d’emploi et une indemnité compensatrice du préavis dont l’inexécution était imputable à l’employeur.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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