SOURCE : Cass.3ème Civ., 21 janvier 2016, n°14-28.014
La cour suprême valide ainsi l’appréciation de la cour d’appel qui a retenu une faute commise par le maître de l’ouvrage, alléguée par son architecte et dont le maître d’ouvrage recherchait la responsabilité, considérant que ce dernier avait contribué, à hauteur de 40%, à son dommage:
« …
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 23 octobre 2014), que M. et Mme X ;;; ayant confié la maîtrise d’œuvre complète à la société Manuel Z… architecte, assurée auprès de la société Mutuelle des architectes français (la MAF), pour la construction d’une habitation principale et de quatre appartements locatifs, ont obtenu un permis de construire pour la réalisation de deux logements ; que les travaux de construction de quatre appartements ont été interrompus par un arrêté du maire faisant état de la non-conformité au permis de construire ; que M. et Mme X…, reprochant un manquement de l’architecte à son devoir de conseil, l’ont assigné en référé pour obtenir une provision et l’affaire a été renvoyée devant le juge du fond ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X… font grief à l’arrêt de déclarer la société Manuel Z… architecte responsable à concurrence de 60% du préjudice subi par eux, laissant 40% à leur charge, et de condamner l’architecte à les indemniser dans cette proportion, alors, selon le moyen, que le devoir d’information et de conseil auquel l’architecte est tenu à l’égard de son client porte sur les risques que celui-ci n’est pas à même de discerner seul, ou dont il ne peut maîtriser toutes les implications ; que, dès lors, le maître de l’ouvrage, non informé par l’architecte, ne peut être considéré comme ayant pleinement connaissance des risques concernés ; qu’en jugeant que M. et Mme X… avaient fait entreprendre et laissé poursuivre une opération immobilière irrégulière « en connaissance de cause », cependant qu’elle a retenu que la société Manuel Z… architecte ne les avait pas informés de l’impossibilité technique de leur projet avec les contraintes urbanistiques, ni des risques inhérents à la réalisation de cette opération, pour laquelle elle avait été mandatée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l’article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu’ayant relevé que si le contrat d’architecte initial portait sur la réalisation d’une habitation principale et de quatre appartements locatifs, la demande de permis de construire signée par M. et Mme X… indiquait un nombre de deux logements créés pour une résidence principale et le permis de construire délivré précisait que le projet ne devrait en aucun cas aboutir à la création de plus de deux logements, que les travaux entrepris, correspondant au projet initial de M. et Mme X…, avaient été arrêtés par le maire au motif qu’ils n’étaient pas conformes au permis de construire, la cour d’appel a pu retenir que M .et Mme X…, qui avaient signé la demande de permis de construire faisant apparaître la construction de deux logements, ne pouvaient se méprendre sur la portée de leur demande ni sur l’autorisation accordée qui ne leur permettait pas de réaliser le projet immobilier d’origine qu’ils ont fait entreprendre, et en déduire que M. et Mme X…avaient commis une faute ayant contribué à la réalisation de leur propre dommage, dans une proportion qu’elle a souverainement appréciée…. »
L’appréciation des circonstances de chaque espèce peut ainsi conduire, lorsque la responsabilité du locateur d’ouvrage est recherchée pour manquement à son devoir de conseil, à mettre une partie du dommage à la charge du maître d’ouvrage.
Kathia BEULQUE
Vivaldi-Avocats