Modalités des délais de recours contre les actes de droit souple

Stéphanie TRAN
Stéphanie TRAN

 

Source : CE, 13 juillet 2016, req. n° 388150

 

En l’espèce, la société GDF Suez, devenue Engie, demandait l’annulation pour excès de pouvoir de la délibération adoptée par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), par laquelle celle-ci avait fixé sa position concernant l’accord que les sociétés ERDF et Poweo Direct Energie, que ces derniers entendaient conclure afin de mettre un terme à leur différend relatif à la prise en charge des frais de gestion des clients qui, en application des dispositions précitées de l’article L. 332-3 du code de l’énergie, avaient souscrit un contrat unique portant à la fois sur la fourniture et la distribution d’électricité.

 

Après avoir rappelé que « les avis, recommandations, mises en garde et prises de position adoptés par les autorités de régulation dans l’exercice des missions dont elles sont investies, peuvent être déférés au juge de l’excès de pouvoir lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont ces autorités pourraient ultérieurement censurer la méconnaissance », le Conseil d’Etat a considéré que la délibération litigieuse se présentant comme une « communication » à l’attention des opérateurs des marchés de l’électricité était de nature à faire grief, et donc susceptible de recours.

 

En effet, l’acte litigieux, publié sur le site internet de la CRE, publication depuis laquelle la communication était restée accessible, était de nature à faire grief à la requérante, GDF Suez, dès lors qu’ « en approuvant la conclusion par les fournisseurs d’électricité et les gestionnaires de réseaux de distribution de contrats tels que celui que les sociétés ERDF et Poweo Direct Energie s’apprêtaient à conclure, et en limitant une telle possibilité à certains fournisseurs seulement, il a notamment pour objet d’influer de manière significative sur les comportements de ces opérateurs. En outre, dès lors que la conclusion de ces contrats conduit à accroître les revenus de certains fournisseurs, sans induire de coûts supplémentaires pour les gestionnaires de réseaux de distribution du fait de leur couverture par le tarif d’utilisation des réseaux, l’acte attaqué est de nature à produire des effets notables, de nature économique, sur les relations concurrentielles entre les fournisseurs d’électricité, ainsi que sur le tarif d’utilisation des réseaux supporté par leurs utilisateurs ».

 

Néanmoins, le Conseil d’Etat a jugé le recours tardif dès lors que celui-ci avait été introduit après l’expiration du délai de deux mois suivant la date de mise en ligne de la délibération sur le site de la CRE :

 

« Il ressort des pièces du dossier et n’est pas contesté que la délibération du 26 juillet 2012 attaquée a été mise en ligne sur le site internet de la CRE le 2 août 2012, dans l’espace consacré à la publication des délibérations de l’autorité, faisant ainsi courir le délai de recours à l’égard d’un professionnel du secteur tel que la société GDF Suez. La société ne l’ayant pas contestée dans un délai de deux mois à compter de cette date, la CRE est donc fondée à soutenir que les conclusions de la requête dirigées contre cette délibération sont tardives ».

 

Restait toujours la faculté pour la requérante d’en solliciter l’abrogation, ou plus exactement l’annulation du refus d’abroger opposé par la CRE, dès lors que celle-ci en était tenue eu égard à l’illégalité de la communication litigieuse, ce que le Conseil d’Etat a retenu en l’espèce.

 

En effet, il sera rappelé que l’Administration est tenue d’abroger un acte réglementaire illégal, sans qu’aucune condition de délai n’y fasse obstacle, puisque l’abrogation entraîne une disparition de l’acte pour l’avenir.

 

Stéphanie TRAN

Vivaldi-Avocats



[1] CE, ass., 21 mars 2016, n° 368082

 

 

 

 

 

 

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