Egalité de traitement des salariés : peut-on se comparer à la situation des non salariés qui exercent la même profession ?

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass Soc., 16 décembre 2015, Arrêt n° 2230 FS-P+B (n° 14-11.294).

 

Un médecin, docteur en médecine et qualifié en anesthésie réanimation, employé depuis janvier 1990 par un centre hospitalier lyonnais et occupant depuis février 2006 le poste de médecin chef de spécialité à temps plein au service des brûlés de l’établissement, dépendant de la convention collective nationale de l’hospitalisation privée à but non lucratif, va, dans le cadre de l’organisation de son travail, remettre en cause les modes de valorisation et de rémunération des gardes ou permanences effectuées sur place et reprocher à son employeur de n’avoir pas pu prendre la totalité de ses congés et de ne s’être vu consentir aucune compensation à ce titre.

 

Après différentes démarches amiables, il va saisir le 29 décembre 2010 la Juridiction Prud’homale Lyonnaise aux fins de voir condamner son employeur à lui payer diverses sommes au titre de rappel de salaires et dommages et intérêts.

 

Ses demandes vont être rejetées par la Cour d’Appel de LYON, laquelle, dans un Arrêt du 27 novembre 2013, va considérer que le salarié ne pouvait comparer sa situation à celle des médecins extérieurs dans la mesure où ceux-ci exercent sous la forme libérale, de sorte qu’ils ne relèvent pas du même statut, ni de la même réglementation et ne sont pas soumis à la convention collective applicable, qu’en outre tous les médecins salariés sont indemnisés sur la même base, et qu’en outre le salarié ne démontre pas avoir demandé à bénéficier du solde de ses congés non pris, ni s’être heurté à une quelconque opposition de la part de son employeur qui les lui aurait refusés ou seulement dissuadé de les prendre, de sorte que la Cour d’Appel rejette les demandes du salarié.

 

Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, le salarié prétend qu’une différence de statut juridique entre les travailleurs effectuant un travail de même valeur au service d’un même employeur ne suffit pas à elle seule à caractériser une différence de situation au regard de l’égalité de traitement en matière de rémunération, permettant de décider que le salarié ne pouvait prétendre, au titre des gardes qu’il effectuait, à une rémunération équivalente à celle perçue par les médecins extérieurs effectuant également des gardes dans le centre hospitalier au motif que ces médecins ne se trouvaient pas dans une situation comparable du fait du caractère libéral de leur mode d’exercice, de la différence de statut et de réglementation applicable.

 

Mais la Chambre Sociale, relevant que le salarié qui se prévaut du principe d’égalité de traitement ne peut pas utilement invoquer la comparaison de sa situation avec des non salariés et que la Cour d’Appel qui a constaté qu’en outre les médecins salariés étaient tous indemnisés sur la même base, a légalement justifié sa décision, de sorte que la Chambre Sociale rejette le pourvoi sur ce point.

 

Mais toutefois, la Chambre Sociale va accueillir les griefs formés par le salarié à l’encontre de l’Arrêt d’Appel le déboutant de sa demande d’indemnisation au titre des congés non pris.

 

Relevant qu’eu égard à la finalité assignée aux congés payés annuels, il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

 

De sorte que l’Arrêt d’Appel qui retient que la somme réclamée au titre des seuls congés payés non pris n’est pas justifiée dès lors que le salarié ne démontre pas avoir demandé à bénéficier du solde de ses congés non pris, ni s’être heurté à une quelconque opposition de la part du centre hospitalier qui les lui aurait refusés ou l’aurait seulement dissuadé de les prendre, de sorte qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’Appel qui a inversé la charge de la preuve a violé les dispositions légales.

 

Par suite, la Chambre Sociale casse et annule, sur ce point, l’Arrêt d’Appel.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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