SOURCE : Cass com., 03 juin 2014, Arrêt n° 574 F-D (n° 13-16.767).
Le cas d’espèce est simple et relativement fréquent : une société anonyme exploitant un fonds de commerce de génie civile et bâtiment employait à son siège administratif un comptable gérant les affaires courantes de la société. Celui-ci avait, après avoir été démarché par une société proposant des services de téléphonie, signé le 14 février 2008 au nom de la société 3 contrats de souscription de services téléphoniques, conclus pour chacun des 3 sites exploités par la société.
Le lendemain, le comptable adressait à la société de téléphonie les autorisations de prélèvement bancaire dûment signées par la Directrice Générale de la société.
Toutefois, le 25 février 2008, par lettre recommandée avec accusé de réception, la société contractante écrivait à la société de téléphonie pour lui demander de suspendre l’exécution des contrats, indiquant que le signataire, savoir son comptable, ne disposait d’aucun pouvoir pour l’engager.
S’en suivit un bras de fer entre les deux sociétés, la société de téléphonie persistant dans le début d’exécution du contrat et pour finir, finissait par faire couper les lignes téléphoniques de la société contractante, lui facturant en outre des indemnités de rupture anticipée des contrats.
Au final, la société contractante faisait assigner la société de téléphonie afin de voir prononcer la nullité de ces contrats et solliciter le paiement de dommages et intérêts.
La Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 31 janvier 2013, va faire droit à cette demande.
En effet, la Cour d’Appel va considérer que si la commerciale de la société de téléphonie avait pu se méprendre sur les pouvoirs dont disposait le comptable d’engager la société qui l’emploie, la société, quant à elle, ne pouvait ignorer qu’un comptable n’a, sauf, délégation spécifique, pas le pouvoir d’engager la société qui l’emploie et que, quand bien même, le fait que l’autorisation bancaire dûment signée par la Directrice Générale de la société ait été retournée à la société de téléphonie et ait pu entretenir un doute sur la validité des engagements pris pour la société, ce doute avait été totalement dissipé 10 jours plus tard lorsque la société indiquait à son cocontractant que le comptable ne disposait d’aucun pouvoir.
Par suite, la Cour d’Appel va considérer que les contrats signés sont nuls et que la société de téléphonie n’avait pu légitimement se méprendre sur l’étendue des pouvoirs du signataire, ni donc se prévaloir d’un mandat apparent et demander néanmoins l’exécution des contrats.
Par ailleurs, la Cour d’Appel va également retenir que la société de téléphonie ayant adopté une attitude agressive en usant de méthodes commerciales litigieuses, en s’empressant d’exécuter un contrat qui était manifestement nul, et, en particulier, en ayant fait désactiver les lignes téléphoniques de la société auprès de son ancien opérateur, elle estime que ces divers agissements ont causé un préjudice résultant de la désorganisation de l’entreprise, de sorte qu’elle condamne la société de téléphonie à des dommages et intérêts.
Ensuite de cette décision, la société de téléphonie se pourvoit en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, elle fait valoir que si au moment de la signature des contrats, le comptable ne détenait pas un mandat express ou tacite, la signature de l’autorisation bancaire par la Directrice Générale de la société, ainsi que l’envoi de ces documents à la société de téléphonie, emportaient ratification des conventions et par conséquent un mandat rétroactif.
La société de téléphonie prétend également que la signature de
l’autorisation de prélèvement par la signature de la Directrice Générale de la société, emportait reconnaissance de la capacité du comptable à contracter au nom de la société.
Mais la Haute Cour, dans l’Arrêt précité du 03 juin 2014, ne va pas accueillir cette argumentation.
Rappelant tout d’abord que l’appréciation des faits et circonstances qui révèlent la ratification par le mandant des actes accomplis par le mandataire, relève du pouvoir souverain des Juges du fond, la Chambre Commerciale va souligner que l’Arrêt relève qu’en principe, seul le Directeur Général d’une société et ses délégataires peuvent valablement contracter au nom de celle-ci et que la société de téléphonie ne pouvait ignorer qu’un comptable n’a pas, sauf délégation spécifique, le pouvoir d’engager la société qui l’emploie, et que l’Arrêt relève, en outre, que si l’envoi par le comptable, le lendemain de la signature des contrats, de l’autorisation bancaire dûment signée par la Directrice Générale de la société a pu entretenir un doute sur la validité des engagements, ce doute a été totalement dissipé 10 jours plus tard par la lettre selon laquelle la société indiquait que son comptable ne disposait d’aucun pouvoir de l’engager et demandait, avant validation de ces engagements, à connaître le contenu des contrats dont elle ne détenait aucune copie.
En conséquence, la Chambre Commerciale considère que le moyen n’est pas fondé et rejette le pourvoi.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats