SOURCE : Cass.com., 24 septembre 2013, Arrêt n° 864 F – D (n° W 12-19.640).
Un associé a cédé à son coassocié la majeure partie des parts sociales qu’il détenait dans le capital d’une société, lui permettant ainsi de diriger seul la société dont il assumait en réalité et en pratique le management et le développement au quotidien.
Dans le même temps, l’associé vendeur avait entamé des négociations avec une société américaine, concurrent important du secteur d’activité de la société cédée, de sorte que le rapprochement avec ce concurrent, concrétisé peu de temps après la cession, a eu pour effet de perturber l’activité de la société cédée.
Ce silence procédait non pas d’un oubli, mais d’une dissimulation volontaire puisque le cédant, tout au long des négociations, avait prodigué au futur acquéreur de fausses assurances destinées à le persuader de l’absence de toute circonstance propre à modifier l’état du marché sur lequel intervenait l’activité de la société.
L’ayant appris, l’acquéreur des parts assignait le vendeur sur le grief du dol, de même que la société l’attaquait pour manœuvre de concurrence déloyale.
Les Premiers Juges vont rejeter l’ensemble de ces demandes et au contraire dans le cadre d’une action reconventionnelle condamner la société en raison de la violation de ses engagements contractuels de non concurrence.
La Cour d’Appel de LYON, quant à elle, va considérer que le dol est établi et va également considérer que la clause de non concurrence par laquelle l’acquéreur et le cédant avait pris mutuellement l’engagement de s’abstenir de solliciter leurs clients respectifs, ne faisait pas obstacle à la possibilité de répondre à des appels d’offres de ces mêmes clients.
Par suite, l’associé cédant se pourvoit en Cassation.
Sur le grief du dol, il fait valoir à l’appui de son pourvoi que les accords pris avec l’acquéreur précisaient que les parties étaient libres d’exercer leurs activités, y compris de manière concurrente, pour autant que cette concurrence soit loyale et sous réserve que le cédant comme le cessionnaire s’interdisent de s’intéresser aux clients et prestations visés par l’accord. Il prétend encore que la preuve du dol n’a pas été rapportée, non plus que du caractère déterminant de celui-ci, d’autant que les activités développées avec son nouveau partenaire ne s’adressaient pas à la même clientèle que celle de la société cédée.
Mais la Cour de Cassation, dans son Arrêt précité du 24 septembre 2013, va refuser d’accueillir les griefs du demandeur.
Relevant au contraire qu’ayant retenu une réticence dolosive de l’associé vendeur pour avoir dissimulé au cessionnaire des négociations entamées avec un partenaire et retenant que la position de la société, son potentiel de développement et sa forte croissance pouvaient se trouver affectés par l’arrivée sur le marché de l’association entre le vendeur et son partenaire américain, et que compte tenu de l’extrême importance de ces trois circonstances sur la décision d’achat et la fixation du prix en fonction des perspectives de profit attendues au regard des critères reconnus comme pertinents par les parties, il est évident que, connaissant les négociations, le cessionnaire n’aurait pas contracté, de sorte que la Cour d’Appel a légalement justifié sa décision en caractérisant ainsi la réticence dolosive du vendeur et son caractère déterminant.
Par ailleurs, le vendeur reproche également à l’Arrêt de la Cour d’Appel d’avoir rejeté sa demande en indemnisation au titre d’acte de concurrence déloyale commis par la société cédée, en admettant la possibilité de répondre à l’appel d’offre de clients, nonobstant la clause de non concurrence signée entre les parties qui leur interdisait de s’intéresser directement ou indirectement aux clients des prestations visées en annexe.
Mais là encore, la Haute Cour va rejeter le moyen soulevé, considérant que la Cour d’Appel a pu, par une interprétation souveraine du sens et de la portée de la clause de non concurrence interdisant au cessionnaire et à la société de s’intéresser aux clients visés dans l’annexe de l’acte de cession, comme prohibant le démarchage de ces derniers, considérer que cette clause permettait de répondre à un appel d’offres.
Par suite, la Haute Cour rejette le pourvoi.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats