Source : Cass. Com. 22 mai 2013, n°12-15.305, n°515 P+ B
L’article L.631-19-1 du code de Commerce, prévoit la mise à l’écart du ou des dirigeants de la société débitrice en redressement judiciaire, pour les cas où l’adoption d’un plan de redressement supposerait leur éviction.
Le Tribunal a dès lors la possibilité de remplacer ces dirigeants, et, le cas échéant, de prononcer la cession forcée des titres détenus par eux.
Le Tribunal n’est cependant pas en mesure de se saisir lui-même à cette fin, et seul le Procureur de la République est habilité à présenter une requête en ce sens.
La Cour de Cassation, par l’arrêt commenté, apporte une précision d’importance : la requête en matière de cession forcée des titres des dirigeants, est nécessairement présentée par écrit, et jointe à la convocation adressée au dirigeant pour l’audience.
La solution n’était pas forcément évidente. En effet, l’article R.631-34-1 du Code de Commerce vise les modalités procédurales de la demande, par le ministère public, du remplacement d’un ou plusieurs dirigeants de la société en procédure collective. L’article précise, de fait, les « droits de la défense » en encadrant strictement la procédure pouvant aboutir au remplacement des dirigeants :
– La requête est obligatoirement écrite et jointe à la convocation,
– Le délai de préparation de l’audience est de 15 jours minimum à compter de la convocation,
– Sont entendus (ou dûment appelés) le débiteur, l’administrateur, le mandataire judiciaire ainsi que les représentants du comité d’entreprise ou les délégués du personnel.
En l’espèce, l’affaire prévoyait non pas le simple remplacement du dirigeant, mais également la cession forcée de ses titres. Le dirigeant ainsi exclu soutenait que la procédure était irrégulière, dans la mesure où le Procureur de la République avait requis, uniquement à l’oral et pendant l’audience, la cession forcée des titres lui appartenant. Il soutenait que conformément à l’article R.631-34-1 du Code de Commerce, la requête aurait dû être écrite, et lui être transmise préalablement à l’audience.
Les Juges du fond lui donnaient tort, distinguant la procédure applicable en matière de remplacement du dirigeant, et celle applicable en matière de cession forcée des titres. En effet, l’article R.631-34-1 évoqué ci-avant, vise précisément la procédure en matière de « remplacement d’un ou plusieurs dirigeants ».
A défaut de texte identique en matière de cession forcée de parts sociales, la Cour d’Appel avait jugé valable la requête simplement orale du Procureur.
La Cour de Cassation censure l’arrêt considérant que, en matière de cession forcée des titres également, le Procureur avait l’obligation de requérir par écrit, et que la requête soit transmise, préalablement à l’audience, aux dirigeants associés dont l’éviction était envisagée.
La rédaction de l’article L631-19-1 explique la position de la Cour de Cassation. L’article est en effet rédigé comme suit :
« Lorsque le redressement de l’entreprise le requiert, le Tribunal, sur la demande du Ministère Public, peut subordonner l’adoption du plan au remplacement d’un ou plusieurs dirigeants de l’entreprise.
A cette fin et dans les mêmes conditions, le Tribunal peut prononcer l’insaisissabilité des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, détenues par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait […]. »
L’organisation logique du texte apparaît clairement :
– Le remplacement du dirigeant est organisé par R.631-34-1 ;
– La cession forcée des titres du dirigeant ainsi remplacé peut être prononcée « à cette fin » (le remplacement), et « dans les mêmes conditions » . La Cour de Cassation en déduit donc que les mêmes modalités pratiques de l’article R631-34-1 s’appliquent à la cession forcée des titres.
La solution est de toute manière satisfaisante sur un plan pratique, dans la mesure où l’article R.631-34-1 du Code de Commerce est bien l’organisation des droits de la défense dans les cas envisagés de remplacement du dirigeant. Ne pas prévoir de droits de la défense dans un cas plus grave d’expropriation ne serait pas compréhensible.
L’analyse ne peut donc qu’être approuvée.
Etienne CHARBONNEL
VIVALDI Avocats