Vaines et préalables poursuites des associés de la SCI et ouverture d’une liquidation judiciaire de la société.

Eléonore CATOIRE
Eléonore CATOIRE - Avocat

L’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SCI constitue un élément nouveau permettant d’écarter l’autorité de la chose jugée issue d’un précédent jugement, déboutant le créancier de sa demande en paiement contre les associés, faute de respecter les conditions fixées par l’article 1858 du Code Civil, savoir vaines et préalables poursuites de la société.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 18 janvier 2024, 22-19.472, Publié au bulletin

Au terme de ce nouvel arrêt rendu par la 3ème Chambre Civile, les juges de la Haute Cour reviennent sur les vaines poursuites à l’encontre des associés de la SCI.

Dans cette affaire, la banque, créancière de la SCI, pour un solde débiteur de compte bancaire, assigne ses associés en paiement de ses créances.

Les juges du fond rejettent cette demande, considérant que la banque ne démontrait pas :

–d’une part, avoir engagé « de vaines et préalables poursuites » contre la SCI comme l’exige l’article 1858 du Code Civil :

« Les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale. »

— et d’autre part, ne pas avoir démontré l’insolvabilité de la SCI.

La banque a donc engagé une nouvelle procédure, et a obtenu l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la SCI, a déclaré ses créances au passif, puis a réassigné les associés en paiement du solde débiteur du compte bancaire de celle-ci.

Cette fois, les juges la déclare irrecevable en ses demandes considérant que cette nouvelle procédure heurte l’autorité de la chose jugée attachée au premier jugement… Ils considèrent que la banque, qui a pris l’initiative d’assigner la SCI aux fins d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire, aurait dû accomplir cette démarche avant d’assigner les associés en paiement, et que dès lors, elle ne peut plus revenir en arrière….

La banque se pourvoit donc en cassation, et sollicite l’avis de la Haute juridiction, puisqu’elle considère que lorsqu’une décision d’irrecevabilité a été rendue, une nouvelle demande peut tendre aux mêmes fins, sans heurter l’autorité de la chose jugée, si la cause d’irrecevabilité a, entre-temps, disparu.

Les lecteurs de la newsletter Chronos sauront d’ores et déjà identifier la notion d’autorité de la chose jugée, mais pour rappel, elle peut être définie comme une force conférée par la loi aux décisions juridictionnelles qui, une fois prononcées par les juges, bénéficient du principe de l’immutabilité, c’est-à-dire, l’impossibilité de remettre en cause ce qui a été fixé définitivement par un acte juridictionnel.

L’autorité de la chose jugé interdit de remettre en cause ce qui a été définitivement jugé. Elle met un terme au litige, répondant à l’impérative nécessité d’éviter tout rallongement indéfini des procédures soumises aux juridictions.

La Haute Cour rappelle dans son dispositif, notamment :

–       Les dispositions de l’article 1355 du Code Civil lequel indique que « l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard ce qui a fait l’objet du jugement ».
Dès lors, pour opposer l’autorité de la chose jugée, il faut que « la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

–       Les dispositions de l’article 480 du Code de procédure civile, lequel indique quant à lui « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’il tranche. »

La Cour rappelle par ailleurs deux anciens arrêts rendus par les 1ère et 3ème Chambre Civile, (C.Cass, 1ère Civ, 22.10.2002 N°00.14.035 / C.Cass, 3ème Civ, 25.04.2007 N°06.10.662), et qui affirmaient :

« l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des événements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice »

La Haute Cour finit par conclure :

« 10. En statuant ainsi, alors que la liquidation judiciaire des SCI constituait un événement nouveau, sans qu’il soit établi qu’elle aurait pu être prononcée avant les jugements rendus le [XXX] et que la banque aurait pu satisfaire aux conditions de l’article 1858 du code civil avant cette date, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

Dès lors, la demande en paiement d’un créancier à l’encontre des associés d’une société civile, immobilière ou non, ne peut être déclarée irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à une précédente décision de justice ayant écarté justement la même demande dans la mesure où un élément nouveau vient changer la situation de la société.

Les juges du Quai de l’Horloge considèrent en effet, dans ce nouvel arrêt publié au bulletin, que constitue un évènement nouveau la liquidation judiciaire de la société civile prononcée depuis le premier jugement intervenu contre le créancier, ayant écarté la demande en paiement faute de vaines et préalables poursuites contre la société, sans qu’il puisse être établi qu’elle aurait pu l’être en amont, et que le créancier aurait pu remplir les conditions précitées de l’article 1858 du code civil.

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