SOURCE : CAA Marseille, 3 mai 2018, n°17MA02084, Inédit au recueil Lebon
En vertu de l’article 206-2, 1er alinéa du CGI, les sociétés civiles sont en raison de leur objet, passibles de l’impôt sur les sociétés si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations présentant un caractère industriel ou commercial au sens des articles 34 et 35 du CGI.
Ainsi, la réalisation de certaines opérations par une société civile est susceptible d’entraîner son assujettissement à l’impôt sur les sociétés. C’est le cas de la réalisation d’opérations de locations meublées.
En effet, l’administration fiscale dans sa doctrine BOFIP[1] énonce :
« La Haute Assemblée a précisé qu’une société civile qui donne en location des locaux meublés exerce une activité commerciale et doit être assujettie à l’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 206-2 du CGI, qu’elle soit ou non propriétaire des meubles garnissant ses locaux »[2]
« De même, les sociétés civiles dont la seule activité est de louer un local meublé durant la saison estivale exercent une activité industrielle et commerciale ; en application des dispositions de l’article 206-2 du CGI, elles sont donc passibles de l’impôt sur les sociétés »[3]
Il ressort des exemples précitées qu’une société civile qui donne en location des locaux garnis de meubles peut être regardée comme exerçant une activité commerciale au sens des dispositions de l’article 35 5° bis du CGI, lequel énonce :
« Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : […]
5° bis : Personnes qui donnent en location directe ou indirecte des locaux d’habitation meublés. »
Dans le souci d’éviter les conséquences excessives résultant, dans certaines situations, de la taxation des sociétés civiles à l’impôt sur les sociétés telle que prévu par l’article 206-2 alinéa 1 du CGI, l’administration a décidé de ne pas soumettre ces sociétés à l’impôt sur les sociétés tant que le montant hors taxes de leurs recettes de nature commerciale n’excède pas 10% du montant de leurs recettes totales hors taxes[4].
De même, les personnes qui louent et sous-louent en meublé une partie de leur habitation principale sont exonérées pour la totalité des produits retirés de la location lorsque les pièces louées constituent pour le locataire en meublé sa résidence principale et que le prix de location est fixé dans des limites raisonnables.
Sont également exonérées les personnes qui louent ou sous-louent une partie de leur résidence principale, lorsque le loyer ne dépasse pas 760 euros par an en ce qui concerne les produits de la location habituelle à des personnes n’y élisant pas domicile (chambres d’hôtes).
Rappel des faits et de la décision :
Une SCI a acquis une villa en France le 10 novembre 1999. Cette société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2009, 2010 et 2011 au terme de laquelle l’administration fiscale a considéré que la SCI exerçait une activité commerciale occulte de loueur de meublés.
Dans les faits, il ressort de l’instruction que la SCI a loué en meublé la villa pendant un mois en 2009 et pendant moins de deux mois en 2011. La villa a donc été détenue par SCI pendant 10 ans sans jamais être donnée en location. En outre, l’administration ne conteste pas que la SCI a souhaité vendre cette villa en 2008 et que c’est pour cette raison qu’elle a été donnée en location à deux reprises à une même personne qui était intéressée par l’acquisition de l’immeuble.
Si à compter de février 2009, la SCI a donné un mandat non exclusif à une agence afin de mettre en location sa propriété, elle n’a conclu aucun autre mandat de recherche de locataire saisonnier.
La Cour administrative d’appel de Marseille a donc jugé que :
« Dans ces circonstances, en l’absence de volonté de la société d’exploiter un fonds de commerce et de se constituer une clientèle, la société requérante ne peut être regardée comme ayant donné habituellement en location des locaux meublés et donc comme ayant exercé une activité commerciale. »
Les juges estiment donc que l’administration fiscale n’était pas fondée à assujettir la SCI sur ce fondement à l’impôt sur les sociétés.
Portée de la décision :
Il convient de souligner les circonstances très particulières de cette décision : la volonté de la SCI de vendre ce bien et la conclusion d’un seul mandat de mise en location de l’immeuble.
En outre, la portée de cette décision doit être relativisée compte tenu de l’intervention de la Loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016. En effet, c’est l’article 114 de cette Loi de finances rectificative qui ajoute à l’article 35 du Code Général des Impôts le 5° bis.
La décision commentée a donc été rendu sous l’empire de l’ancienne législation. Avant l’intervention de Loi de finances rectificative pour 2016, la location ponctuelle d’un immeuble en meublé était constitutive d’un revenu foncier comme l’indiquait l’administration dans sa doctrine[5] et non pas de bénéfices industriels et commerciaux.
Clara DUBRULLE
Vivaldi-Avocats
[1] BOI-IS-CHAMP-10-30 n°250
[2] CE, 10 juillet 1985, req. n°40789
[3] Rép. MAUGER, AN 20 novembre 1989, n°15286
[4] BOI-IS-CHAMP-10-30 n°320
[5] BOI-RFPI-CHAMP-10-30-20160907 n°70