Un prêt bancaire n’est pas un contrat en cours, de sorte qu’il n’est pas cessible au titre d’un plan de cession : conséquences pour les cautions

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 9 févr. 2016, n°14-23.229, F-P+B

 

I –

 

A l’origine, un cessionnaire qui, dans une offre d’acquisition des actifs de l’entreprise, propose de solder le prêt en cours selon les modalités initialement convenues avec la banque, ce que cette dernière accepte. Manque de chance, le cessionnaire suit le même sort que le débiteur principal, et se trouve lui-même placé en redressement puis en liquidation judiciaire. Après avoir déclaré sa créance au passif du débiteur puis du cessionnaire, la banque se retourne contre la caution, qui s’oppose à tout paiement au motif qu’elle n’avait garanti que le débiteur, et pas le cessionnaire.

 

II –

 

Son argumentation est partiellement entendue par la Cour d’appel de Toulouse, qui va scinder son raisonnement dans son arrêt du 13 mai 2014 :

 

        Pour la période antérieure à la procédure collective correspondant aux mensualités échues et non payées, la Cour condamne la caution ;

        En revanche, procédant à une analyse des dispositions de l’article L.642-12 du Code de commerce, la Cour juge que ce texte ne s’applique qu’aux suretés réelles et juge en conséquence que la poursuite du paiement des mensualités du prêt par le cessionnaire a entraîné une novation du prêt par substitution de débiteur, que la caution n’est pas ainsi tenue de garantir.

 

Tel n’est pas l’avis de la Cour de cassation.

 

III –

 

Au visa des articles L.622-13, L.631-14, L.631-22 et L.642-7 du Code de commerce dans leur rédaction issue de la loi de sauvegarde et de l’article 1273 du Code civil[1], la Cour de cassation rappelle une solution jurisprudentielle déjà acquise, mais en clarifie sa formulation :

 

« Le prêt consenti par un professionnel du crédit avant l’ouverture du redressement judiciaire de l’emprunteur n’est pas un contrat en cours au sens du premier de ces textes et ne peut donc être cédé au titre des contrats visés au quatrième ; que l’engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l’emprunteur, les mensualités à échoir de ce prêt ne vaut pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, de sorte que la caution solidaire des engagements de l’emprunteur demeure tenue de garantir l’exécution de ce prêt. »

 

L’arrêt du 9 février 2016 prend en compte l’évolution de la qualification juridique de ce type de contrat. D’abord qualifié de contrat réel, quelque soit la qualité des parties, la Haute juridiction est peu à peu revenue sur cette qualification, pour finalement le ranger dans la catégorie des contrats consensuels.

 

Cette qualification a pour conséquence que le contrat est parfait dès l’acceptation de l’offre de crédit. Le fait générateur de la créance de prêt est donc une créance née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, devant être déclarée au passif[2]. Ce principe a été généralisé à tous les contrats de prêts consentis par des professionnels ayant la qualité d’établissement de crédit[3].

 

Cette solution, aujourd’hui de nature jurisprudentielle, a été reprise par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui entrera en vigueur le 1er octobre prochain, via le futur article 1109 du Code civil[4]. En outre, la solution demeurera valable car, d’une part, la novation ne se présume toujours pas et doit résulter clairement de l’acte[5], et d’autre part, l’extinction de l’obligation ancienne s’étend à tous ses accessoires[6], donc au cautionnement.

 

Le rejet de la qualification d’un contrat en cours induit des conséquences importantes sur le sort du contrat de prêt lorsque l’entreprise de l’emprunteur est cédée dans le cadre de la procédure collective. Le contrat de prêt n’est donc pas cédé au cessionnaire de l’entreprise. La novation par changement de débiteur par la cession ne peut donc pas s’opérer.

 

L’engagement pris par le cessionnaire ne peut réduire les droits de la banque, sauf à ce qu’elle ait formellement accepté la substitution de débiteur, dans les conditions de l’article 1273 du Code civil. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Le débiteur demeure donc l’emprunteur initial, en redressement judiciaire.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1] « La novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte. »

[2] Cass. com., 11 févr. 2004, n°01-11.654

[3] Cass. civ. 1ère, 7 mars 2006, n°02-20.374, F-P+B

[4] « Le contrat est consensuel lorsqu’il se forme par le seul échange des consentements quel qu’en soit le mode d’expression. Le contrat est solennel lorsque sa validité est subordonnée à des formes déterminées par la loi. Le contrat est réel lorsque sa formation est subordonnée à la remise d’une chose. »

[5] Nouvel art. 1330 C.civ. : « La novation ne se présume pas ; la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. »

[6] Nouvel article 1334 C.civ. : « L’extinction de l’obligation ancienne s’étend à tous ses accessoires. 
« Par exception, les sûretés d’origine peuvent être réservées pour la garantie de la nouvelle obligation avec le consentement des tiers garants. »

 

 

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