Un créancier est irrecevable en son action « préventive » à l’encontre d’une caution d’une société qui respecte son plan de sauvegarde

Etienne CHARBONNEL
Etienne CHARBONNEL - Avocat associé

 

Source : Cass. 2è Civ., 22 juin 2017, pourvoi n°16-20.027, D.

 

Certes, tous les arrêts ne méritent pas les honneurs de la publication par la Cour de Cassation.

 

Mais certains arrêts inédits peuvent cependant trouver leur place dans les commentaires de jurisprudence.

 

En l’espèce, une société bénéficiait d’un plan de sauvegarde, qu’elle respectait depuis plusieurs années.

 

Parmi les créanciers, figurait un établissement bancaire, qui bénéficiait notamment d’un cautionnement, en garantie des prêts consentis au débiteur en procédure collective.

 

Et en dépit du bon respect du plan de sauvegarde par le débiteur, la banque décide d’assigner les cautions en paiement des sommes dues par la débitrice principale, pour le cas où le plan de sauvegarde ne serait pas respecté.

 

La demande de la banque est très logiquement rejetée, pour plusieurs motifs :

 

– Tout d’abord, au motif que ce qui n’est dû qu’à terme ne peut être exigé avant l’échéance du terme. En effet, en application des dispositions de l’article L. 626-11 du code de commerce, les personnes physiques ayant consenti une sûreté personnelle peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde arrêté au profit du débiteur principal.

 

– Ensuite, l’obtention d’un titre de condamnation contre la caution, dont l’engagement revêt un caractère accessoire, implique que soit exigible la créance pour laquelle une condamnation à paiement est sollicitée.

 

– Enfin,  n’ayant pris aucune mesure conservatoire, la banque ne peut revendiquer à l’appui de la recevabilité de son action, l’obligation, prescrite à peine de caducité (C.pr. civ. exéc., art. R. 511-7), d’introduire dans le mois qui suit l’exécution d’une mesure conservatoire une procédure à l’effet d’obtenir un titre exécutoire.

 

C’est donc très logiquement que la Cour de cassation retient que la banque « qui ne se prévalait d’aucun motif particulier l’autorisant à agir de « façon préventive », ne justifiait pas d’un intérêt né et actuel au sens de l’article 31 du code de procédure civile ». Sa demande est donc jugée irrecevable.

 

Cet arrêt est intéressant, car le cas n’est pas isolé. Certaines banques introduisent volontiers ce type de recours « préventifs ». Il n’est pas rare de constater l’introduction d’une instance, qui comporte dès le stade de l’assignation une demande de sursis à statuer, dans l’attente d’une éventuelle conversion de la procédure collective en liquidation, de l’adoption du plan de redressement (qui lui n’est pas opposable par les garants au créancier) ou d’une résolution du plan de sauvegarde.

 

On peut également constater dans la pratique, dans le même ordre d’idée, l’introduction d’instances manifestement prématurées, mais dans lesquelles la banque formule une demande de retrait du rôle.

 

L’idée est bien sûr, à chaque fois, pour le créancier (dans l’extrême majorité des cas, des établissements bancaires), d’être « prêt à tirer » en cas de survenance d’une exigibilité à l’égard du garant.

 

L’arrêt que vient de rendre la Cour de Cassation pose ce rappel : les actions introduites par anticipation sont donc irrecevables, et les défendeurs pourraient, sur la base du présent arrêt, s’opposer à toute forme de suspension de l’instance, pour soutenir et obtenir l’irrecevabilité des demandes.

 

A bon entendeur.

 

Etienne CHARBONNEL

Associé

Vivaldi-Avocats

 

 

 

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