TEG : Point de départ de la prescription

Laurent Turon
Laurent Turon

 

SOURCE : Chambre Commerciale Cass. Com 31 janvier 2017, n° 14-26360, FS-PBI

 

I – LES FAITS

 

Le litige oppose un emprunteur à titre professionnel, en l’espèce, une SCI, qui avait reçu un accord de financement mentionnant le taux d’intérêt, omettait toute référence au Taux Effectif Global (TEG).

 

L’oubli avait été corrigé par l’acte authentique de prêt signé un mois plus tard, mais le calcul du TEG effectué par l’Officier Ministériel excluait, contrairement à la jurisprudence des Chambres de la Haute Cour, les frais de garantie (prise d’inscription), de sorte qu’à l’absence de TEG, s’est substituée l’indication d’un TEG manifestement erroné.

 

La SCI va tenter d’exploiter cette faille en arguant un peu moins de cinq ans après la réception de l’acte authentique, que le TEG était nul, car manifestement erroné. Sans succès toutefois, puisque la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, dans un arrêt du 11 septembre 2014, jugera que son action était prescrite comme tardive, ayant été engagée plus de cinq ans après la signature de l’accord de financement qui constituait la date du contrat de prêt.

 

L’arrêt est cassé sur la base de deux attendus qui méritent d’être cités pour les besoins de la discussion qui va suivre :

 

« Attendu que pour déclarer irrecevable l’action de la SCI au motif que la prescription était acquise à la date à laquelle elle a été engagée, l’arrêt retient par des motifs propres et adoptés que le point de départ de la prescription quinquennale de l’action en nullité de la stipulation de l’intérêt conventionnel engagé par la SCI, qui a souscrit un prêt pour les besoins de son activité professionnelle, est la date à laquelle l’offre de la Caisse a été acceptée par la SCI qui constitue la date du contrat de prêt.

 

Qu’en statuant ainsi, alors que le point de départ de la prescription de l’action en nullité du Taux Effectif Global se situe au jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître l’erreur affectant celui-ci, la Cour d’Appel qui a reconnu comme point de départ de cette prescription, la date d’un document ne constatant aucun taux effectif global, a violé les textes susvisés (…) ».

 

II – LE REVIREMENT

 

Pour les principes sanctionnant la stipulation d’un TEG erroné, nous renverrons à notre article publié le 22 décembre 2016. Il faut en effet se rappeler que la prescription obéit à un double régime :

 

– biennal pour les prêts consentis aux consommateurs et non professionnels ;

 

– et quinquennal dans tous les autres cas, en ce compris les prêts liés à un investissement locatif.

 

Pour autant, les deux cas, le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité du taux effectif global, se situe conformément à la règle de l’article 2224 du Code Civil, c’est-à-dire au jour où l’emprunteur a connu ou aurait dû connaître le vice affectant celui-ci.

 

C’est sur l’évaluation du point de départ de la prescription que les positions des Chambres Civiles et Commerciales divergeaient.

 

La première Chambre Civile, notamment en cas d’octroi de crédit à un non-professionnel ou un consommateur, estimait que le point de départ était fixé à la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permettait de constater l’erreur ou si tel n’était pas le cas, à la date de la révélation de celle-ci à l’emprunteur[1]. Il faut cependant admettre que pour les Chambres Civiles, sauf en cas d’erreur révélée par exemple par le prêteur de deniers, qui fait ainsi courir la prescription, la connaissance de l’erreur est souvent fixée à la date à laquelle l’emprunteur se prévaut de l’irrégularité, de sorte que l’on peut parler d’imprescriptibilité de l’action, compte tenu des conditions dans lesquelles le point de départ est fixé.

 

Tel n’était pas l’avis de la Chambre Commerciale, qui jugeait jusqu’à présent[2] que la connaissance du vice était acquise quelle que la soit la violation alléguée (défaut de mention du TEG ou mention d’un TEG erroné notamment) :

 

– En cas de prêt, à la date de la convention ;

 

– Pour les autres formes de financement, lors de la réception de chacun des écrits indiquant ou devant indiquer le TEG et plus précisément en cas d’ouverture de crédit en compte courant lors de la réception de chacun des relevés indiquant ou devant indiquer le TEG appliqué.

 

Au cas particulier, l’accord de financement ne mentionnait aucun TEG, alors que le TEG erroné n’apparaissait pour la première fois que dans l’acte authentique consacrant le prêt et la sûreté immobilière y attachée. En définitive, la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, en reconnaissant l’action prescrite, n’avait fait que suivre la jurisprudence de la Chambre Commerciale. C’était sans compter ce revirement. Désormais, le point de départ n’est plus en cas de prêt à la date de la convention, c’est-à-dire à l’accord de financement, dans la mesure où celui-ci ne constatait aucun TEG, mais bien la date à laquelle le TEG est porté à la connaissance de l’emprunteur.

 

Or, en l’espèce, il avait été fait mention du TEG (erroné) lors de l’acte authentique du 31 mars 2015, de sorte que c’est à cette date qu’avait commencé la prescription quinquennale. L’acte introductif d’instance, daté du 15 mars 2010, c’est-à-dire avait donc été délivré quinze jours avant l’arrivée de la prescription.

 

Eric DELFLY

VIVALDI-Avocats


[1] Cass 1ère civ 11/06/2009, n° 08-11.755

[2] Cass com 10/06/2008, n° 06-19.452, n° 06-18.906, n° 06-19.905 ou cass com 14/010/2008 n° 07-15.975 ou enfin cass com 16/03/2010 n° 09-11.236 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Vivaldi Avocats