Surendettement du locataire

Delphine VISSOL
Delphine VISSOL

 

 

SOURCE : Cour d’Appel de DOUAI – 3ème Chambre – 16 janvier 2014 – n°13/01801 : JurisData 2014-000296.

 

Dès lors que le preneur ne peut, par l’effet de l’article L. 331-3-1 du Code de la consommation , payer les loyers échus antérieurement à la décision de la recevabilité de son dossier prise par la commission de surendettement des particuliers, le bailleur ne peut plus, à compter de la même date, poursuivre la constatation de la résiliation du bail.

 

Par conséquent, dans l’hypothèse où le bailleur a fait délivrer un commandement de payer au débiteur et où la décision de recevabilité intervient avant l’expiration du délai de deux mois, c’est-à-dire avant l’acquisition de la clause résolutoire, l’effet attaché à la décision de recevabilité paralyse le jeu de la clause résolutoire.

 

Tel est le cas en l’espèce, la décision de recevabilité prise par la commission étant intervenue avant l’expiration du délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement visant la clause résolutoire.

 

En outre, les dispositions de l’article L. 331-3-2 du Code de la consommation sont applicables lorsque l’expulsion a déjà été autorisée ce qui suppose que la résiliation du bail ait été acquise antérieurement à la décision de recevabilité du dossier de surendettement.

 

En l’absence d’effet juridique du commandement de payer délivré moins de deux mois avant la décision de recevabilité du dossier de surendettement prise par la Banque de France, les demandes de résiliation du bail et d’expulsion des locataires sont rejetées.

 

Telle est la décision rendue par la Cour d’appel de DOUAI dans cet arrêt du 16 janvier 2014 saisi sur appel du bailleur lequel considérait qu’en statuant ainsi, le Tribunal d’instance avait ajouté une protection supplémentaire aux débiteurs surendettés par rapport aux dispositions légales qui permettent aux locataires de solliciter la suspension de la clause résolutoire :

 

« Suivant acte sous seing privé en date du 11 mars 2010 la société MAISONS & CITES SOGINORPA a donné à bail à Jean-Claude P. et Patricia R. un logement situé […] moyennant paiement d’un loyer mensuel de 444,32 €.

Par acte du 29 mars 2012 la société SOGINORPA a fait délivrer aux époux P. un commandement de payer la somme de 2086,88euro au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 29 février 2012, visant la clause résolutoire.

Faisant état du caractère infructueux du commandement la société SOGINORPA a saisi le tribunal d’instance de Béthune qui, par un jugement en date du 2 octobre 2012 :

 

      constaté l’absence d’effet juridique du commandement de payer délivré moins de deux mois avant la décision de recevabilité du dossier de surendettement prise par la Banque de France le 24 mai 2012,

 

       débouté la société SOGINORPA de ses demandes de constat de la résiliation du bail, d’expulsion et dommages et intérêts,

 

       condamné solidairement Jean-Claude P. et Patricia R. à payer à la société SOGINORPA la somme de 1761,34euro au titre des loyers et charges impayés avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,

 

       rappelé qu’en cas de mise en place d’une procédure de surendettement la créance sera remboursée selon les termes et conditions fixés par cette procédure,

 

       à défaut autorisé Jean-Claude P. et Patricia R. à se libérer de leur dette en 12 versements de 170 €uros en plus du loyer courant outre un dernier versement devant solder la dette en principal, intérêts et frais,

 

      ordonné l’exécution provisoire du jugement.

 

Par une déclaration du 28 mars 2013 la société SOGINORPA a interjeté appel du jugement.

 

La société SOGINORPA soutient que le tribunal a fait une appréciation erronée des données de la cause et des textes applicables en la matière.

 

Elle fait valoir que l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989qui prévoit la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement du loyer, des charges ou du dépôt de garantie produit effet deux mois après la délivrance d’un commandement de payer infructueux ne précise nullement que le manquement du locataire à son obligation doit être fautif et que le juge n’a pas à se soucier des motifs qui ont conduit les locataires à ne pas régulariser les causes du commandement. 

 

Elle considère que le premier juge a ajouté une protection supplémentaire aux débiteurs surendettés par rapport aux dispositions légales qui permettent aux locataires de solliciter la suspension de la clause résolutoire.

 

Elle soutient que la suspension des poursuites et l’interdiction faite aux débiteurs de payer toute dette antérieures à la recevabilité prévue par l’article L331-3-1 du code de la consommation exclut les mesures d’expulsion, que l’article L331-3-2 du code de la consommation prévoit le cas spécifique de la mesure d’expulsion et permet à la commission de surendettement de saisir le juge d’instance d’une requête aux fins de suspension de la mesure d’expulsion, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce et que le tribunal d’instance ne pouvait s’appuyer sur les dispositions de l’article L 331-3-2 du code de la consommation alors que les règles relatives au logement et à l’expulsion sont visées spécifiquement par l’article L331-3-2.

 

SUR CE :

 

Aux termes des dispositions de l’article L 331-3-1 du code de la consommation la suspension des procédures d’exécution contre le débiteur résulte de plein droit de la décision de recevabilité rendue par la commission de surendettement des particuliers.

 

Par ailleurs l’alinéa 2 de ce texte fait interdiction au débiteur de faire tout acte qui aggraverait son insolvabilité et de payer, en tout ou en partie, une créance autre qu’alimentaire née antérieurement à la suspension.

 

Dès lors que le preneur ne peut, par l’effet du texte susvisé, payer les loyers échus antérieurement à la décision de la recevabilité de son dossier prise par la commission de surendettement des particuliers, le bailleur ne peut plus à compter de la même date poursuivre la constatation de la résiliation du bail.

 

 Il s’ensuit que dans l’hypothèse où le bailleur a fait délivrer un commandement de payer au débiteur et où la décision de recevabilité intervient avant l’expiration du délai de deux mois, c’est à dire avant l’acquisition de la clause résolutoire, l’effet attaché à la décision de recevabilité paralyse le jeu de la clause résolutoire.

 

Tel est le cas en l’espèce la décision de recevabilité prise par la commission étant intervenue avant l’expiration du délai de deux mois à compter de la délivrance du commandement visant la clause résolutoire.

 

Il y a lieu d’ajouter que les dispositions de l’article L 331-3-2 du code de la consommation sont applicables lorsque l’expulsion a déjà été autorisée ce qui suppose que la résiliation du bail ait été acquise antérieurement à la décision de recevabilité du dossier de surendettement ».

 

Delphine VISSOL

Vivaldi-Avocats

 

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