Mauvais payeurs et squats : La proposition de loi visant le renforcement des droits des bailleurs soumise au vote du Parlement

Marion MABRIEZ
Marion MABRIEZ - Avocat

La question des squats et de l’occupation illicite des logements est de nouveau sur le devant de la scène. L’Assemblée Nationale a voté début décembre 2022 une proposition de loi visant à « protéger les logements contre l’occupation  illicite » et plus particulièrement à renforcer les droits des bailleurs en matière de squats et d’impayés locatifs.  Cette proposition a été quelque peu remaniée par le Sénat le 2 février 2023 et sera prochainement de nouveau soumise au vote de l’Assemblée.

Proposition de loi 18 octobre 2022

Adoption le 2 décembre de la proposition de loi par l’Assemblée Nationale

Lecture du Sénat du 2 février 2023

En préambule, la proposition de loi déposée insiste sur la médiatisation conséquente des squats et litiges de loyer qui suscitent chez un certain nombre de concitoyens de la colère et de l’incompréhension, face à des bailleurs privés, personnes physiques qui ne parviennent plus à récupérer leur logement dans des délais acceptables.

Il est indiqué que la proposition de loi présentée a plusieurs objectifs :

  • Clarifier la définition juridique du squat et sanctionner plus sévèrement cette infraction ;
  • Accélérer les procédures d’expulsion en cas de litige locatifs.

Il sera précisé ci-après les dispositions principales figurant au sein de la proposition ayant fait l’objet d’un vote qu’il soit favorable ou non par l’Assemblée Nationale, les amendements votées mais également les ajustements du Sénat.

Le texte sera prochainement soumis au second vote de l’Assemblée Nationale.

I – Sur la question du squat et sa sanction

Il convient de rappeler que le squat vise toute personne entrée par voie de fait dans un logement, sans titre.

C’est à dire que le squat ne concerne pas les personnes ayant régularisé un contrat de bail mais qui resteraient dans les lieux après perte de leur titre d’occupation malgré une décision d’expulsion pour loyer impayés par exemple.

La proposition de loi alourdit les peines pouvant être prononcées à l’encontre des squatteurs en modifiant les dispositions de l’article 226-4 du Code pénal, passant d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende à 3 ans de détention et 45.000 euros d’amende.

Pour autant, la proposition de loi prévoit également que le squat sera caractérisé même s’il n’est pas possible de démontrer que le maintien dans les lieux a été précédé d’une introduction illicite et donc forcée.

Plusieurs amendements ont été votées concernant :

  • La non-obligation pour le propriétaire d’un logement squatté de l’entretenir ;
  • La création de l’article 315‑1 qui dispose que L’occupation sans droit ni titre, de mauvaise foi, d’un immeuble appartenant à un tiers s’apparente à un vol.
  • La sanction « de la propagande ou la publicité » facilitant ou incitant les squats, chiffrée à la somme de 3750 euros d’amende
  • La pérennisation du dispositif expérimental de la loi ELAN de 2018 permettant à des propriétaires de confier de manière temporaire des locaux vacants à des associations de logement dans l’attente d’une opération d’urbanisme ou d’une vente

Le Sénat contraint par ailleurs le préfet à ordonner le recours à la force publique pour expulser le squatteur du domicile d’autrui, dans un délai de 7 jours après une décision d’expulsion par la justice.

De même, le Sénat  a modifié la procédure d’évacuation forcée prévue à l’article 38 de la loi « Dalo » afin :

  • de clarifier qu’elle ne s’appliquerait pas à l’évacuation d’un locataire défaillant ;
  • d’étendre son application aux squatteurs qui occupent des logements entre deux locations ou juste après l’achèvement d’une construction, avant que le propriétaire n’ait eu le temps d’emménager ;
  • de confier au préfet le soin de s’adresser, dans un délai de 72 heures, à l’administration fiscale, lorsqu’un propriétaire ne peut prouver qu’un logement lui appartient, par exemple parce qu’il ne peut accéder à son logement pour récupérer les documents nécessaires ;
  • de réduire de 48 à 24 heures le délai laissé au préfet pour mettre en demeure un squatteur de quitter les lieux ;

II – Concernant le locataire mauvais payeur

            II – 1 Sur la sanction pénale au-delà de l’expulsion

L’article 3 de la proposition de loi tendait à créer un nouvel article 315-1 du Code pénal qui sanctionnerait l’occupation sans droit ni titre d’un logement appartenant à un tiers, lorsque’elle se fait en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux, de six mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende.

C’est à dire que si une décision de justice constate la résiliation d’un bail d’habitation et prononce l’expulsion du locataire, et que ce dernier ne quitte pas les lieux à l’expiration du commandement de quitter les lieux délivré par l’huissier de justice, au delà du recours à la force publique qui peut être sollicitée par le bailleur, l’ex locataire risque dorénavant une sanction pénale.

Cet article a été supprimé par l’Assemblée Nationale pour répondre aux craintes de nombreuses associations d’aide aux logements.

Le Sénat quant à lui n’a supprimé que la peine d’emprisonnement.

            II – 2. Sur la clause de résiliation

L’article 4 prévoit l’insertion systématique au sein des baux d’habitation d’une clause de résiliation automatique  du bail en cas d’impayés de loyers.

Cette clause permettrait au propriétaire de provoquer la résiliation automatique du bail lorsqu’un commandement de payer est demeuré infructueux sans avoir à engager une action en justice.

La voie judiciaire ne serait donc plus un préalable nécessaire pour procéder à l’expulsion du locataire qui ne procéderait pas au paiement de ses loyers.

Pour autant, les droits du locataire resteraient protégés puisque ce dernier pourrait saisir le Juge du Contentieux et de la Protection afin que des délais de paiements lui soit accordés quant au paiement de sa dette et que le montant de la dette puisse être vérifiée.

A ce sujet, le Sénat a voté la possibilité pour le juge d’accorder d’office des délais de paiement pour le locataire.

La clause de résiliation et donc l’expulsion seraient suspendues dans l’attente de la décision du juge mais également si le locataire a repris avant la date de d’audience le paiement des loyers.

Pour autant, des interrogations demeurent sur les caractéristiques des paiements : le locataire doit-il simplement reprendre le paiement des ses charges et loyers courants ou alors est-il tenu de régler l’intégralité de sa dette avant la date d’audience ?

Des précisions législatives devront être apportées étant ajouté que les locataires de mauvaise foi pourraient être tentés de verser la veille de l’audience le montant du loyer réclamé afin de clôturer le dossier et de nouveau cesser les paiements du loyers les mois suivants.

Cet article a incontestablement pour objectif d’éviter au propriétaire bailleur la voie judiciaire tendant à faire constater la résiliation du bail locatif, qui peut s’avérer être très longue, mais également à désengorger les juridictions saisies de tels faits.

II – 3. Sur l’indemnisation en cas de refus du concours de la force publique

Un nouvel article a été créée par le Sénat tendant à rendre l’indemnisation des propriétaires plus systématiques, en cas de refus du concours de la force publique par le préfet pour exécuter une mesure d’expulsion.

En effet, seule la moitié des propriétaires concernés demandent une indemnisation. Cela sera précisé par décret en Conseil d’État

III – Concernant les délais de procédure

Enfin, l’article 5 a pour objet la réduction des délais procéduraux.

La durée minimale entre le commandement de payer visant la clause résolutoire pour loyer impayé et la possibilité d’assigner le locataire en justice aux fins d’expulsion passerait de deux à un mois.

L’Assemblée Nationale a voté en ce sens contrairement au Sénat qui a proposé une réduction du délai à 6 semaines.

Egalement, le délai de deux mois entre le commandement de quitter les lieux, signifié par huissier de justice après une décision d’expulsion et le recours au concours de la force publique sera totalement supprimé lorsque les locataires sont de mauvaise foi.

Quid de la caractérisation de la mauvaise foi?

Des précisions devront également être apportées afin de savoir si la caractérisation de la mauvaise foi soit expressément être reprise dans le dispositif de la décision de justice afin de permettre l’application de cette mesure.

Par ailleurs, le juge de l’exécution, saisi par le locataire après le jugement d’expulsion afin d’obtenir des délais pour quitter les lieux, ne pourra maintenir les occupants dans les lieux que pour une durée d’un mois à un an (et non 3 mois à 3 ans actuellement).

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article