Source : Cass. Com. 16/10/2012 pourvoi n°11-22.993 n°1003 P+B
VIVALDI-AVOCATS s’est déjà penchée sur la question de la responsabilité des créanciers dispensateurs de crédit à l’ouverture d’une procédure collective.
Nous avions notamment déjà analysé les décisions rendues le 27 mars 2012 par la Cour de Cassation[1] qui avait confirmé la grille de lecture suivante :
1. Le principe posé est celui de l’irresponsabilité du créancier dispensateur de crédit ;
2. Ce créancier peut être déchu de son irresponsabilité dans trois cas :
– La fraude ;
– L’imixion dans la gestion de son client ;
– La prise de garanties disproportionnées.
3. Une fois l’un de ces trois cas démontré, il faut encore démontrer la faute du créancier dans le cadre de l’octroi des concours eux-mêmes (faute, préjudice, lien de causalité).
L’Arrêt commenté vient apporter d’intéressantes précisions.
Tout d’abord, il permet de se pencher sur l’identité du « créancier » visée par l’article L650-1.
La doctrine s’accordait à considérer que les établissements de crédit n’étaient pas les seuls créanciers dispensateurs de crédit, et que tous créanciers, au sens large, pour autant qu’ils accordent par exemple des facilités de paiements, pouvaient être visés par ce texte.
Cette position est confortée par la lecture de l’Arrêt du 16 octobre qui juge :
« Les termes génériques de « concours consentis » et de «créancier » de l’article L650-1 du Code de Commerce conduisent à ne pas limiter son application aux seuls établissements de crédit, la Cour d’Appel en a exactement déduit que des délais de paiement accordés par un cocontractant au débiteur constituaient des concours au sens de ce texte, de sorte qu’il était applicable à ce cocontractant ».
Ainsi, le « créancier » ne se réduit pas à l’établissement de crédit, et les « concours consentis » peuvent également, à la lecture des faits de l’espèce, être constitués par l’octroi par exemple de délai de paiement.
Il s’agit de précisions intéressantes qui confirment le large domaine de l’article L650-1 du Code de Commerce.
Le second moyen examiné par la Cour de Cassation porte sur le premier cas de déchéance du principe d’irresponsabilité des créanciers ayant consenti des concours, à savoir la fraude.
Dans sa logique de protection du créancier, et dans la droite ligne du principe d’irresponsabilité, la notion de fraude est ici définie de manière restrictive.
La Cour relève ainsi que cette fraude « ne se démarque guère de la fraude pénale et qu’il s’agit d’un acte qu’il a réalisé en utilisant des moyens déloyaux destinés à surprendre un consentement, à obtenir un avantage matériel ou moral indu ou réalisé avec l’intention d’échapper à l’application d’une loi impérative ou prohibitive. »
La tâche est donc ardue pour le débiteur qui recherchera la responsabilité de son créancier, chaque cas de déchéance du principe étant particulièrement étroit, tout en rappelant qu’il devra encore démontrer en quoi l’octroi du concours en lui-même est fautif.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats