Source : Cass. Civ. 2, 28 janvier 2016, Pourvoi n°15-13.222, F-P+B
L’arrêt ici commenté est l’occasion d’un rappel bienvenu de l’articulation des voies d’exécution avec l’ouverture d’une procédure collective.
En l’espèce, une société obtient la condamnation de son adversaire à l’indemniser pour contrefaçon.
A défaut d’obtenir règlement de la somme, elle procède à la saisie de parts sociales que sa débitrice détient dans une SCI.
La débitrice sollicite l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, alors que la saisie a déjà eu lieu, mais que les parts n’ont pas encore été vendues, ni attribuées à la société poursuivante.
La débitrice introduit donc une requête devant le JEX, sollicitant la mainlevée de la saisie.
C’est en l’état que le dossier arrive devant la Cour de Cassation, qui rappelle le fonctionnement en matière de saisie.
En effet, l’article L.622-21 du Code de Commerce distingue deux types de procédure qui sont impactées par l’ouverture d’une procédure collective :
« I – Le jugement d’ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n’est pas mentionnée au I de l’article L.622-17 et tendant :
1 – A la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ;
2 – A la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent.
II – Il arrête ou interdit également toute procédure d’exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d’ouverture.»
Il faut donc bien ici distinguer deux types de procédure :
– Les actions en justice aux fins de faire condamner la débitrice, qui sont interdites si elles n’ont pas été engagées avant le jugement d’ouverture mais sont simplement interrompues si elles sont en cours à cette date.
Il s’agit d’une des rares interruptions de plein droit de l’instance, qui sera reprise une fois que la créance aura été déclarée au passif et les organes de la procédure mis en cause.
– Les procédures d’exécution, qui ne sont plus là interrompues, mais bien arrêtées (ou là encore interdites si elles n’ont pas été engagées avant le jugement d’ouverture) si elles n’ont pas produit leur effet attributif au jour du jugement d’ouverture.
La distinction est d’importance, et c’est là l’erreur des juges du fond dans ce dossier, qui ont rejeté la demande de mainlevée de la débitrice en procédure collective, estimant que la procédure d’exécution pouvait être reprise en cours de période d’observation.
Or, le texte (alinéa 2) est clair sur le sujet : la procédure d’exécution est bien arrêtée et non interrompue.
Le critère important est celui de l’existence ou non d’un effet attributif au jour du jugement d’ouverture.
Il faut donc là encore distinguer selon les procédures :
– Les saisies attributions ont un effet attributif au jour de la saisie. De sorte que quand elles ont été pratiquées avant le jugement d’ouverture, elles ne sont pas remises en cause par l’ouverture de la procédure collective ;
– En revanche, les saisies mobilières s’effectuent en deux temps :
La saisie en elle-même, qui a pour effet de rendre indisponible le meuble (corporel ou incorporel) saisi, mais n’a pas d’effet attributif, et ne constitue pas une vente en elle-même ;
La vente ou l’attribution s’effectue dans un deuxième temps. C’est seulement à la date de celle-ci que l’effet attributif de la saisie aura joué.
Ainsi en l’espèce, dans la mesure où la saisie des parts sociales avait été pratiquée, mais la vente, certes bien qu’ayant été initiée n’avait pas abouti, l’effet attributif n’avait pas joué, et la procédure d’exécution avait été arrêtée par l’ouverture de la procédure collective.
De sorte que la conséquence qu’auraient dû en tirer les juges du fond était de prononcer la mainlevée de la saisie.
Il s’agit une nouvelle fois d’une démonstration de l’effet particulièrement protecteur de la procédure collective, au bénéfice d’un débiteur à l’encontre de ses créanciers, qui peut ainsi interrompre quasiment toutes les voies d’exécution pratiquées à son égard.
Les créanciers n’auront alors plus qu’à se plier à la discipline collective, en déclarant leur créance au passif et en espérant que leur créance dispose d’un rang de privilège suffisant pour leur permettre de toucher des sommes dans le cadre des répartitions.
Etienne CHARBONNEL
Vivaldi-Avocats