SOURCE : Cass Soc., 22 juin 2016, Arrêt n°15-16.994, FS-P+B.
Un salarié avait été engagé par une société de transports en qualité de conducteur routier à compter du 07 avril 2008.
Le 11 février 2009, l’employeur et le salarié ont signé une convention de rupture conventionnelle du contrat de travail qui a été homologuée par décision implicite du directeur départemental du travail, la relation contractuelle ayant pris fin le 28 mars 2009.
Le 30 mars 2009, ces mêmes parties ont signé un accord transactionnel aux termes duquel la société s’est engagée à verser au salarié une somme de 5 000 € nets à titre de dommages et intérêts.
Dans le même temps, avait été mis en place dans l’entreprise un plan de réduction des effectifs et les représentants du personnel ayant introduit une action en annulation du plan de sauvegarde de l’emploi présenté au comité central de l’UES, de la procédure d’information et de consultation du comité central d’entreprise sur le projet de restructuration de l’UES et des ruptures conventionnelles signées au mois de janvier 2009.
Il est résulté de cette procédure qu’un Arrêt a été rendu le 09 mars 2011 par la Cour de Cassation a considéré que les ruptures conventionnelles intervenues au sein de la société auraient dû être prises en compte pour déterminer la procédure d’information et de consultation des représentants du personnel applicable, ainsi que les obligations de l’employeur en matière de plan de sauvegarde de l’emploi puisqu’elles avaient une cause économique et s’inscrivaient dans un processus de réduction des effectifs dont elles constituaient la ou l’une des modalités.
Le 28 décembre 2011, le salarié saisissait le Conseil des Prud’hommes sollicitant l’annulation de la rupture conventionnelle et le paiement de dommages et intérêts.
Le salarié va être débouté par les Premiers Juges, de sorte que dans le cadre de l’appel, cette affaire est examinée par la Cour d’Appel de GRENOBLE, laquelle dans un Arrêt du 24 février 2015, va considérer que la circonstance que la rupture conventionnelle, conclue par le salarié, qui contribuait à la réorganisation de l’UES aurait dû être intégrée dans le plan de sauvegarde de l’emploi de l’UES et portée à la connaissance des représentants du personnel, n’a pas en tant que telle affecté la validité de la rupture, ni modifié son régime juridique propre.
La Cour d’Appel considère que le salarié aurait dû introduire son action en nullité de la rupture conventionnelle au plus tard le 23 mars 2010 puisque le Directeur Départemental du Travail avait indiqué que la demande d’homologation serait réputée acquise le 23 mars 2009 à minuit.
La Cour considère, en conséquence, que la rupture conventionnelle est régulière.
Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.
A l’appui de son pourvoi, il prétend que « la fraude corrompt tout », de sorte que la prescription d’un an des recours juridictionnels ouverts à l’encontre de la convention de rupture conventionnelle n’est pas applicable en cas de fraude de l’employeur et il prétend encore que si le délai de prescription d’un an des recours juridictionnels à l’encontre de la convention de rupture conventionnelle court à compter de l’homologation, le point de départ du délai est reporté du jour où le salarié acquiert une connaissance complète et exacte de l’ensemble des données du litige, de ses droits ou de leur étendue, qu’il fixe en l’espèce à la date de l’Arrêt de la Cour de Cassation rendue le 09 mars 2011.
Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre le salarié dans son interprétation.
Relevant tout d’abord que si la fraude peut conduire à écarter la prescription annale prévue à l’article L.1237-14 du Code du Travail, c’est à la condition que celle-ci ait eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription et relevant ensuite que la Cour d’Appel ayant souligné que le salarié avait invoqué le fait pour l’employeur d’avoir eu recours à une rupture conventionnelle afin de se soustraire à la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi, ce dont il résultait que la fraude alléguée n’avait pas eu pour finalité de permettre l’accomplissement de la prescription, la Chambre Sociale rejette le moyen.
Par ailleurs, la Chambre Sociale énonçant encore que si une fraude dans le recours à la rupture conventionnelle a pour effet de reporter le point de départ du délai de la prescription prévu à l’article L.1237-14 du Code du Travail au jour où celui qui l’invoque en a eu connaissance, la Cour d’Appel qui a constaté que la fraude que le salarié prêtait à son employeur était connue au plus tard le 16 juillet 2009, en a exactement déduit que l’action en nullité introduite le 28 décembre 2011 alors que la convention de rupture avait été homologuée le 23 mars 2009, était prescrite, de sorte que ce moyen n’est pas non plus fondé.
Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats