Notion d’information privilégiée et dispositif de conformité

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : CE, 6ème / 1ère SSR, 3 février 2016, n°369198, Mentionné aux tables du recueil Lebon

 

Afin de poursuivre l’exercice de son activité dans le respect des règles d’ordre public économique régissant le domaine boursier, chaque prestataire de services d’investissement (PSI) est tenu de mettre en place des contrôles internes, appelés « dispositif de conformité » qui a pour principaux objectifs de :

 

détecter tout risque de non-conformité aux obligations professionnelles applicables aux PSI ;

 

d’établir toute mesure pour minimiser les conséquences attachées au non-respect par le prestataire de ses obligations professionnelles.

 

Plus précisément, dans un contexte de préservation du caractère privilégié de certaines information confidentielles, dont la communication aurait nécessairement pour impacte de rompre l’égalité entre les investisseurs, le PSI est tenu d’établir et garder opérationnelle, conformément à l’article 315-16 du Règlement général de l’Autorité des marchés financiers (RG AMF), une procédure appropriée organisant la surveillance des émetteurs et des instruments financiers sur lesquels il dispose d’une information privilégiée.

 

Ainsi, le PSI transmet à son responsable de la conformité le contenu des informations privilégiées à sa disposition, le nom de l’émetteur de l’information. Il communique également le nom des personnes ayant accès à l’information, qui ont l’obligation de se faire connaître. Le responsable dresse une liste dite « de surveillance », recensant toutes ces informations.

 

En l’espèce, le préposé d’un PSI n’informe pas le responsable de la conformité, à la date à laquelle il en a connaissance, d’un projet d’augmentation de capital d’une société dont les titres sont inscrits sur le marché règlementé. Il estimait que l’information n’était pas privilégiée bien que non publique, dès lors que l’augmentation de capital était attendue par les analystes financiers, qu’elle n’était pas précise puisque la société disposait d’autres options, et que cette information était sans effet sur le cours du marché.

 

Le responsable de la conformité ne sera informé qu’une semaine plus tard du projet, entrainant la mise en cause, par l’AMF, du PSI et de son salarié, au titre d’une méconnaissance des dispositions de l’article 315-16 du RGAMF.

 

La commission des sanctions de l’AMF a infligé un avertissement au salarié, mais pas au PSI, considérant que celui-ci avait remplit ses obligations professionnelles.

 

Le Président de l’AMF a sollicité l’annulation de la décision devant le Conseil d’Etat, tant à l’encontre du PSI que son salarié, estimant la sanction non proportionnée au manquement.

 

La Haute juridiction administrative considère que l’information détenue par le salarié du PSI était privilégiée. En effet, il importe peu que l’opération en cause ait un caractère prévisible pour certains analystes financiers, eu égard à la situation financière de la société : seul compte le caractère non public du projet d’augmentation de capital, qui ne sera dévoilé que 15 jours plus tard.

 

En outre, l’existence de solutions alternatives à l’augmentation de capital est inopérante sur le caractère précis de l’information, le projet d’augmentation de capital ayant de fortes possibilités d’aboutissement.

 

Enfin, le Conseil d’Etat se retranche derrière l’appréciation de l’autorité administrative quant à l’impact de la communication de l’information privilégiée sur le marché règlementé, information déterminante pour un investisseur raisonnable.

 

Les Hauts juges relèvent ainsi que le salarié du PSI a communiqué l’information privilégiée tardivement, engageant sa responsabilité. Ils approuvent la sanction, jugée non disproportionnée, prononcée par la commission des sanctions.

 

Concernant le PSI, le Conseil d’Etat relève que le processus de contrôle interne s’est révélé efficace, quoique légèrement tardif, exonérant le PSI de toute responsabilité. La Haute juridiction administrative privilégie ainsi l’obligation de moyen à l’obligation de résultat concernant le dispositif de contrôle interne des sociétés de bourse.

 

La requête en annulation du Président de l’AMF est donc rejetée.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

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