SOURCES : 3ème civ, 15 décembre 2016,
n°15-23.069 FS-P+B, Sté Latin franchise c/ Sté Rue de la Pompe
n°15-27.148 FS-P+B, Sté Réseau de transport d’électricité (RTE) c/ Sté SCI 1 Terrasse Bellini
et 3ème civ, 9 juillet 2014, n° 13-22.562, FS-P+B
La clause d’indexation, également appelée « clause d’échelle mobile » est, en droit des baux commerciaux, une clause contractuelle permettant d’adapter le montant du loyer à l’évolution du contexte économique. Cette clause, insérée dans la plupart des contrats, prévoit une évolution automatique, sur une périodicité convenue, du montant du loyer dans les mêmes proportions que la variation d’une donnée économique, à savoir généralement, l’indice du coût de la construction, l’indice des loyers commerciaux ou l’indice des loyers des activités tertiaires.
Cependant, afin d’empêcher que ces indicateurs économiques n’entrainent une évolution du loyer sans rapport avec les prix du marché, l’article L145-39 du Code de commerce soumet le loyer indexé à un régime spécial de révision, qui peut être mis en œuvre par chacune des parties, à tout moment.
Plus précisément, l’article L145-39 dispose que :
« la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. (…) »
En d’autres termes, la fixation du loyer à la valeur locative peut être demandée chaque fois que la clause d’indexation fait varier le loyer de plus de 25%, à la hausse comme à la baisse.
Si le principe ne pose pas de difficulté, son application a été source de contentieux, notamment sur la détermination du loyer « précédemment fixé » (le loyer d’origine) (I) et du loyer indexé (II) à prendre en compte.
I – Le loyer d’origine est le dernier loyer fixé amiablement ou judiciaire et à défaut, le loyer contractuel
A défaut de fixation amiable ou judiciaire, le loyer d’origine est le loyer contractuel.
Un preneur s’était interrogé sur la détermination du loyer d’origine postérieur au renouvellement du bail (3ème civ, 15 décembre 2016, RG n° n°15-23.069). Plus précisément, il affirmait qu’en l’absence d’accord des parties sur le montant du loyer du bail de renouvellement et à défaut de saisine du juge des loyers dans le délai de prescription biennal, le loyer d’origine à prendre en compte devait être le loyer fixé contractuellement dans le bail initial.
Ni la Cour d’appel de Paris, ni la Cour de cassation ne partagerons sa position, la Cour de cassation rappelant que le bail de renouvellement est un nouveau bail définissant un nouveau loyer, fût-il égal au montant du loyer qui était en cours sous le précédent bail.
Dans le cadre d’un bail de renouvellement, le loyer d’origine à prendre en compte est naturellement celui contenu au bail renouvelé. Or à la date à laquelle la demande de révision est formulée, le loyer n’avait pas évolué de plus d’un quart depuis la date d’effet du bail renouvelé. Le preneur est débouté de sa demande de révision.
Lorsque le loyer fait l’objet d’une évolution par avenant, le loyer d’origine est celui fixé dans la convention, sans considération du montant du loyer effectivement payé par le preneur
La Cour de cassation avait été saisie en 2014[1] d’un pourvoi à l’encontre d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de VERSAILLES, laquelle considérait que le loyer d’origine était le montant du loyer acquitté par le preneur, et non le loyer fixé dans la convention des parties. Plus précisément, les parties avaient, par avenant, amiablement porté le montant du loyer à 8.141.844 €, mais le preneur acquittait la somme de 9.252.712,27 €, qui correspondait au loyer convenu, affecté d’un rattrapage d’indexation. Deux ans plus tard, le loyer atteignait ainsi 10.580.334,24 €.
A l’appui de sa demande de révision, le preneur prétendait que le loyer d’origine était celui qui avait été contractuellement fixé par les parties dans l’avenant (8 M€), et que le loyer indexé était le dernier loyer payé (10,5 M€), soit une évolution de plus de 25%.
La Cour d’appel de VERSAILLES avait débouté le preneur de sa demande de révision en retenant que le montant du loyer d’origine était de 9,2 M€, ce qui avait entrainé la censure de l’arrêt. En effet, la Cour de cassation considérait que le loyer d’origine à retenir devait être le loyer convenu entre les parties, hors indexation, soit la somme de 8 million d’euros.
Le Preneur ne s’en est toutefois pas tiré à si bon compte, puisque la Cour de cassation précise, dans un arrêt du 15 décembre 2016 (RG n°15-27148) relative à la même affaire, que corrélativement, le loyer indexé à prendre en compte n’est pas le loyer effectivement payé par le preneur, mais le loyer qui aurait dû être issu de l’indexation du loyer d’origine
II – Le loyer indexé est celui qui résulte strictement de l’application de la clause d’indexation
La position du preneur était en effet contradictoire dans cette affaire. S’il affirmait que le loyer d’origine devait être celui qui avait été contractuellement fixé par l’avenant, et non celui effectivement payé, il prétendait que le loyer indexé à prendre en compte devait être celui…effectivement payé et non celui issu d’une indexation normale du loyer d’origine.
La Cour d’appel de VERSAILLES, dont la position est partagée par la Cour de cassation, considère que le dernier loyer payé ne peut être pris en compte « que s’il correspond à celui résultant de la clause d’indexation ».
L’indexation normale d’un loyer de 8 millions d’euros au 1er janvier 2007 devant conduire à appliquer un loyer de 9,3 millions d’euros au 1er janvier 2009, l’application de la clause d’indexation ne devait donc pas conduire à une augmentation de plus de 25% du montant du loyer.
Le preneur a donc été débouté de sa demande de révision.
Sylvain VERBRUGGHE
Vivaldi-Avocats
[1] 3ème civ, 9 juillet 2014, n° 13-22.562, FS-P+B, cf notre article chronos du 1er septembre 2014