Refus de brevetabilité pour les animaux et végétaux obtenus par procédés biologiques

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

SOURCE : Décision du Conseil d’administration de l’Office européen des brevets du 29 juin 2017 sur la pratique relative aux brevets portant sur des végétaux ou des animaux

 

La Directive de l’Union européenne relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques n°98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 a créé un cadre commun en matière d’attribution des brevets liés aux biotechnologies, notamment pour les plantes et les gènes d’origine humaine, en introduisant certaines considérations éthiques. En effet, le texte prévoit notamment que ni l’ADN, ni le génome humain ne peuvent faire l’objet de brevets.

 

L’Office européen des brevets (OEB) a été l’une des premières institutions à avoir transposé cette directive le 1er septembre 1999, alors qu’elle n’en avait aucunement l’obligation formelle, et a modifié en conséquence les dispositions de la Convention sur le brevet européen.

 

Un vide juridique subsistait quant à l’exclusion ou non de la brevetabilité des végétaux/matières végétales (graines, fruits, etc) ou des animaux/matières animales obtenus exclusivement à partir de procédés biologiques, la directive restant taisante sur ce point.

 

L’article 2 de la directive définit un « procédé essentiellement biologique » comme consistant intégralement en des phénomènes naturels, tels que le croisement ou la sélection.

 

Aux termes de décisions datant de mars 2015, la Grande Chambre des recours de l’OEB avait conclu qu’un brevet pouvait être octroyé pour les végé­taux/matières végétales obtenus à partir de procédés essentiellement biologiques, si les conditions fondamentales de brevetabilité étaient réunies. Elle fondait son raisonnement sur le fait que les exclusions du principe général de brevetabilité devaient faire l’objet d’une interprétation juridique stricte. Or, il ne résultait selon elle ni des dispositions de la Convention sur le brevet européen, ni des travaux préparatoires, une exclusion claire de la brevetabilité les végétaux ou matières végétales obtenus par des procédés essentiellement biologiques.

 

La Commission européenne a rendu un avis le 8 novembre 2016 remettant en cause ce raisonnement, considérant que les travaux préparatoires à prendre en compte sont ceux qui ont trait à l’adoption de la directive et non ceux ayant précédé la signature de la Convention sur le brevet européen.

 

L’article 4 de la proposition de la Commission de décembre 1995 précise notamment que :

 

«1. L’objet d’une invention n’est pas exclu de la brevetabilité au seul motif qu’il se compose de matière biologique, utilise cette dernière ou lui est appliqué ;

 

2. La matière biologique, y compris les végétaux et les animaux, ainsi que les parties de végétaux et d’animaux obtenus par un procédé non essentiellement biologique, à l’exception des variétés végétales et des races animales en tant que telles, est brevetable

 

La Commission européenne considère qu’il peut raisonnablement être déduit de cette proposition de texte que l’intention de la Commission était de ne pas considé­rer les végétaux et animaux obtenus par un procédé essentiellement biologique comme de la matière brevetable. Ils pourraient néanmoins être brevetables si le procédé essentiellement biologique en question impliquait au moins une activité non biologique.

 

Le Parlement européen a ensuite proposé en juin 1997 d’amender ou de supprimer la plupart des articles et considérants de la proposition de décembre 1995. Pour autant, dans l’exposé des motifs accompagnant le rapport du Parlement, le rapporteur a indiqué que les procédés essentiellement biologiques ne remplissaient pas les conditions générales de la brevetabilité car ils n’étaient ni inventifs ni reproductibles. En effet, le rapporteur considère que l’obtention est un processus répétitif qui permet de n’atteindre un produit final génétiquement stable, doté des qualités souhaitées, qu’après un croisement et une sélection plusieurs fois répétés. Mais ce processus dépend tellement de l’individualité de la matière initiale que même en cas de reproduction, un résultat identique n’est pas assuré. La protection conférée par le brevet n’est pas adaptée à des procédés de ce type ni à leurs produits.

 

Dans sa proposition modifiée, la Commission a accepté le rapport et la plupart des amendements du Parlement.

 

Au vu de ces travaux préparatoires, la Commission européenne considère donc que l’intention du législateur de l’Union européenne lors de l’adoption de la directive 98/44/CE était d’exclure de la brevetabilité les produits (végétaux/animaux et parties de végétaux/animaux) obtenus par un procédé essentiellement biologique.

 

Tenant compte de l’avis de la Commission européenne de novembre 2016, le Conseil d’administration de OEB a donc décidé de modifier les dispositions juridiques pertinentes afin d’exclure de la brevetabilité les végétaux et les animaux obtenus exclusivement par un procédé essentiellement biologique.

 

Cette décision apporte des précisions importantes sur la pratique en matière de délivrance des brevets à l’OEB et offre une sécurité juridique accrue aux déposants.

 

Les nouvelles dispositions sont entrées en application avec effet immédiat le 1er juillet 2017. Les procédures d’examen et d’opposition liées à des affaires concernant un végétal ou un animal obtenu par un procédé essentiellement biologique, suspendues depuis novembre dernier suite à l’avis de la Commission, ont ainsi repris progressivement.

 

Virginie PERDRIEUX

VIvaldi-Avocats

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