Quid de la responsabilité du banquier lors de l’exécution d’un ordre de paiement ?

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Com., 24 mai 2018, F-P+B, n° 17-11710

 

Un couple ayant ouvert un compte bancaire dans les livres d’une banque se voit prélever sur son compte divers sommes au profit de la société EDF sans qu’un consentement ait été donné au préalable.

 

N’ayant pas transmis à sa banque une autorisation de prélèvement, le couple assigne cette dernière en indemnisation de leur préjudice moral.

 

C’est le Tribunal d’instance de Lyon qui aura le premier à se pencher sur ce dossier et rejettera la demande.

 

Statuant en première et dernière instance, un pourvoi en cassation est alors formé par le couple.

 

L’argumentaire développé consiste à arguer que le banque répond de l’emploi des fonds confiés par les titulaires du compte et précise « qu’en rejetant la demande de M. et Mme X… tendant à condamner la banque postale au paiement de dommages-intérêts motifs pris que « la société Banque postale n’est pas intervenue pour la mise en place des prélèvements litigieux et n’avait aucun pouvoir pour les autoriser ou les empêcher ; ».

 

Cette argumentation s’appuie sur dans un premier temps sur l’article 1937 du Code civil précisant :

 

« Le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu’à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir. »

 

La Cour de cassation rejettera le pourvoi précisant qu’« il résulte de l’article L. 133-3 du code monétaire et financier qu’un prélèvement peut être initié par le bénéficiaire, qui donne un ordre de paiement au prestataire de services de paiement du payeur, fondé sur le consentement donné par ce dernier au bénéficiaire ; que, sauf anomalie apparente, non alléguée en l’espèce, le prestataire de services de paiement n’est pas tenu de s’assurer de l’existence du mandat de prélèvement donné par le payeur au bénéficiaire, préalablement à l’exécution de l’ordre de prélèvement donné par celui-ci ; que le moyen, qui, en ses deux branches, postule le contraire, n’est pas fondé »

 

La Cour prend appui non pas sur le Code civil, mais sur le Code monétaire et financier, à raison puisque ce texte précise que :

 

« I. – Une opération de paiement est une action consistant à verser, transférer ou retirer des fonds, indépendamment de toute obligation sous-jacente entre le payeur et le bénéficiaire, initiée par le payeur, ou pour son compte, ou par le bénéficiaire.

 

II. – L’opération de paiement peut être initiée :

 

a) Par le payeur, qui donne un ordre de paiement à son prestataire de services de paiement ;

 

b) Par le payeur, qui donne un ordre de paiement par l’intermédiaire du bénéficiaire qui, après avoir recueilli l’ordre de paiement du payeur, le transmet au prestataire de services de paiement du payeur, le cas échéant, par l’intermédiaire de son propre prestataire de services de paiement ;

 

c) Par le bénéficiaire, qui donne un ordre de paiement au prestataire de services de paiement du payeur, fondé sur le consentement donné par le payeur au bénéficiaire et, le cas échéant, par l’intermédiaire de son propre prestataire de services de paiement. »

 

La banque qui procède au paiement ne peut voir sa responsabilité engagée pour manquement à son obligation de vérification qu’en cas d’anomalie apparente, ce qui n’était pas le cas auparavant.

 

Cette nouvelle condition apportée par le droit spécial est donc à l’avantage de la banque.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats.

 

 

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