La Cour de cassation énonce que le défaut d’appartenance du salarié à la famille de son employeur, en ce qu’il constitue le motif d’un traitement moins favorable, relève du champ d’application du principe de non-discrimination.
Le Code du travail consacre le principe de non-discrimination qui prévoit qu’aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire, notamment en matière de rémunération en raison de « sa situation de famille[1]. »
Dans le cas de l’espèce, un député employait deux collaboratrices parlementaires. La particularité de l’une d’entre elle était le lien qu’elle entretenait avec le député puisqu’elle était son épouse. L’épouse de l’employeur percevait une rémunération supérieure à sa collègue pour le même poste.
A la suite des législatives de juin 2017, la salariée a été licenciée en raison de la cessation du mandat de député et a saisi la juridiction prud’homale estimant avoir subi une inégalité de traitement constitutive d’une discrimination en raison du défaut d’appartenance à la famille de son employeur.
En effet, la collaboratrice lésée présentait un niveau de diplôme et d’expérience professionnelle plus important que sa collègue. La requérante avait exercé la profession d’avocat au barreau de Paris puis de juriste d’entreprise pendant trois ans au sein d’une société côtée en bourse avec d’être embauchée comme attachée parlementaire, tandis que l’épouse du député ne justifiait d’aucun diplôme.
Pour tenter de justifier la différence de traitement, le député soutenait que les fonctions de son épouse était « nombreuses, variées, et sensibles, et exigeait une disponibilité et une confidentialité totales. » Au total, l’employeur fait donc reposer la garantie de disponibilité et de confidentialité sur la seule qualité d’épouse de sa collaboratrice, de sorte que le critère familial a justifié la différence de traitement.
Le Conseil de prud’hommes avait d’abord écarté la discrimination estimant que le critère de la station de famille s’applique à la personne qui se dit victime de discrimination et non à l’employeur. Puis la Cour d’appel a considéré, au contraire, que la situation de famille peut se définir non seulement par des critères propres à la personne discriminée, mais aussi par comparaison à d’autres situations de famille prises en compte au détriment de la personne discriminée.
Finalement, la Cour de cassation énonce que le défaut d’appartenance du salarié à la famille de son employeur, en ce qu’il constitue le motif d’un traitement moins favorable, relève du cham d’application du principe de non-discrimination.
Elle rappelle dans son arrêt que sa solution s’inscrit dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de discrimination qui décide que le principe de l’égalité de traitement consacré par les directives dans ce domaine s’applique non pas à une catégorie de personnes déterminée, mais en fonction des motifs prohibés visés aux dispositions des directives en matière de discrimination (s’agissant de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail : CJUE, 17 juillet 2008, Coleman, C-303/06, § 38 ; s’agissant de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique : CJUE, 16 juillet 2015, Nikolova, C-83/14, § 56).
En définitive, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir retenu le motif de discrimination prohibé tenant à la situation de famille, dès lors que l’employeur entendait justifier la différence de traitement en matière de rémunération entre la requérante et la salariée de comparaison par la qualité d’épouse de cette dernière.
Sources : Cass. soc., 9 avril 2025, n° 23-14.016
[1] C. trav., art. L. 1132-1