Précision sur la rémunération des temps de trajet des salariés itinérants

Judith Ozuch
Judith Ozuch

Le temps de trajet du salarié itinérant entre son domicile et les premier et dernier clients de la journée doit être rémunéré comme du travail effectif lorsque le salarié est à la disposition de l’employeur.

Source : Cour de cassation, Chambre sociale – Formation plénière de chambre, 23 novembre 2022, Pourvoi n° 20-21.924

Selon l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.

Les salariés itinérants sont définis comme des salariés qui n’ont pas de lieu de travail habituel ou régulier, et dont l’activité essentielle est de se déplacer d’un client à l’autre.

Comment doit être rémunéré le temps de trajet du salarié itinérant entre son domicile et les premier et dernier clients de la journée ?

La Cour de justice de l’Union européenne a précisé[1] que, lorsque les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel, constitue du ”temps de travail”, le temps de déplacement que ces travailleurs consacrent aux déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur[2].

Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait que lorsque les travailleurs n’ont pas de lieu de travail fixe ou habituel et effectuent des déplacements quotidiens entre leur domicile et les sites du premier et du dernier clients désignés par leur employeur, ils relèvent de l’article L. 3121-4 du code du travail.

Ainsi, le temps de déplacement qui dépasse le temps normal de trajet, qui n’était pas du temps de travail effectif, devait faire l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit sous forme financière[3].

Cependant, dans l’arrêt du 9 mars 2021[4], la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que les notions de “temps de travail” et de “période de repos” constituent des notions de droit de l’Union qu’il convient de définir selon des caractéristiques objectives, en se référant au système et à la finalité de la directive 2003/88/CE.

Dorénavant, la Cour de cassation juge que, lorsque les temps de déplacements accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif telle qu’elle est fixée par l’article L. 3121-1 du code du travail, ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code.

En l’espèce, le salarié devait en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit main libre intégré dans le véhicule mis à sa disposition par la société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs (clients, directeur commercial, assistantes et techniciens).

En conclusion, lorsque le salarié doit se tenir à la disposition de l’employeur pendant son temps de trajet et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles, ces temps doivent être intégrés dans son temps de travail effectif et rémunérés comme tel.

Dans le cas contraire, le salarié ne pourra prétendre qu’à une contrepartie financière ou en repos, lorsqu’il dépasse le temps normal de trajet entre son domicile et son lieu habituel de travail[5].


[1] S’agissant de l’article 2, point 1, de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003

[2] CJUE, 10 septembre 2015, Tyco, C-266/14

[3] Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-20.634

[4] Radiotelevizija Slovenija, C-344/19

[5] C. trav. art. L 3121-4

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article