Nullité des conventions de forfaits jours dans la branche d’activité de la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaire du 9 mai 2012

Dominique Guerin
Dominique Guerin

La Cour de cassation poursuit la déclinaison de sa jurisprudence constante sur l’analyse des conventions et accords collectifs quant aux garanties assurant le respect du temps de repos des salariés soumis au forfait annuel en jours.

Source : Cass. soc., 14 décembre 2022, n° 20-20.572[1]

La Cour de cassation était amenée à se prononcer sur la validité de l’article 3.2.1. de l’accord du 5 septembre 2003, attaché à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012, qui encadre les conventions individuelles en forfait jours conclues avec les cadres autonomes de la branche.

Pour rappel, la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012 vise les entreprises travaillant dans le secteur des antiquités, brocante, galeries d’art (œuvres d’art), arts de la table, coutellerie, droguerie, équipement du foyer, bazars, commerces ménagers, modélisme, jeux, jouets, puérinatalité, maroquinerie, presse et jeux de hasard ou pronostics, produits de la vape ; précision que cette convention collective n’est pas étendue.

La Cour de cassation a jugé que l’article 3.2.1. de l’accord du 5 septembre 2003, attaché à la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires du 9 mai 2012, qui se borne à prévoir que le décompte des journées travaillées ou des jours de repos pris est établi mensuellement par l’intéressé, que les cadres concernés doivent remettre, une fois par mois à l’employeur qui le valide, un document récapitulant le nombre de jours déjà travaillés, le nombre de jours ou de demi-jours de repos pris et ceux restant à prendre, qu’à cette occasion doit s’opérer le suivi de l’organisation du travail, le contrôle de l’application du présent accord et de l’impact de la charge de travail sur leur activité de la journée, que le contrôle des jours sera effectué soit au moyen d’un système automatisé, soit d’un document auto-déclaratif et que dans ce cas, le document signé par le salarié et par l’employeur est conservé par ce dernier pendant trois ans et tenu à la disposition de l’inspecteur du travail, sans instituer de suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, n’est pas de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et à assurer une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressé, ce dont il se déduit que la convention de forfait en jours était nulle.

La Cour de cassation rappelle une nouvelle fois que les accords collectifs instaurant la possibilité de définir la durée de travail des cadres et salariés autonomes dans la branche d’activité et les entreprises par une convention annuelle en jours doivent prévoir des décomptes mensuels et des entretiens réguliers (au moins une fois par an) pour assurer le temps de repos des salariés.

En l’occurrence, la convention collective se limitait à prévoir des décomptes.

Manquaient donc les entretiens qui auraient permis de prendre les mesures tendant à s’assurer une bonne répartition du temps de travail et du respect des temps de repos.

On renverra à un article précédent sur les exigences de la Cour de cassation en matière[2].

Se pose la question des incidences sur les contrats de travail et/ou les conventions individuelles de forfait jours.

On suppose que les partenaires sociaux de la branche vont s’empresser de conclure un avenant permettant de pallier la carence de l’accord du 5 septembre 2003.

Mais un tel avenant serait-il suffisant pour s’assurer de la régularité des conventions individuelles en forfait jours conclues au visa de la convention collective ?

La réponse est positive.

En effet, la Cour de cassation a jugé que lorsqu’un accord collectif conclu avant le 9 août 2016 est révisé pour y ajouter les stipulations ci-dessus, l’exécution de la convention de forfait se poursuit sans que l’accord du salarié soit requis.[3]

En attendant un éventuel accord de branche, il sera conseillé de conclure un avenant individuel avec les salariés soumis au forfait jours conformément aux dispositions de l’article L.3121-65 du Code du travail (issues de la Loi n°2006-1088 du 8 août 2016)[4], avenant qui reprendra les garanties susvisées.

Et surtout, il conviendra de mettre en œuvre les modalités pratiques des outils du contrôle du respect du temps de repos des salariés soumis au forfait annuel en jours.

A défaut, le risque d’une action en paiement d’heures supplémentaires serait majeur.


[1] Cass. soc., 14 décembre 2022, n° 20-20.572

[2] https://vivaldi-chronos.com/convention-annuelle-de-forfait-en-jours-les-heures-travaillees-le-dimanche-sont-elles-des-heures-supplementaires/

[3] Cass. soc., 16 octobre 2019, n° 18-16.539

[4] Article L.3121-65 du Code du travail

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