L’exercice de son droit de retrait par le salarié ne saurait justifier un licenciement pour faute.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

 

SOURCE : Cass Soc., 25 novembre 2015, Arrêt n° 2022 FS-P+B (n° 14-21.272).

 

Une société exerçant son activité dans le domaine de la thermique industrielle avait recruté dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée un salarié en qualité de « superviseur mise en service ».

 

Le poste de superviseur mise en service avait notamment pour fonction de garantir le démarrage des installations, d’assurer les tests et les réglages, le suivi administratif et le reporting en phase de mise en service. L’essentiel de son activité était donc située à l’étranger, sur les chantiers de la société.

 

Le salarié a été affecté sur un chantier en Russie à compter du 24 juin 2009 pour une durée prévisionnelle de 3 mois.

 

Toutefois, dès le 29 juin 2009, le salarié faisait parvenir à son employeur un message électronique dans lequel il se plaignait des conditions matérielles d’hébergement, mais également d’une situation de racisme dont il était victime de la part des habitants de la localité où il se trouvait, en relatant des agressions dont il aurait été victime.

 

Ces difficultés étaient réitérées dans un nouveau message électronique du 30 juin 2009 adressé à l’employeur, dans lequel le salarié mettait l’accent sur les problèmes de sécurité qu’il rencontrait en précisant qu’il vivait la peur au ventre.

 

Pour finir, le 1er juillet 2009, le salarié faisait parvenir à son employeur, à nouveau, un message électronique indiquant qu’il avait été pris à partie la veille à deux reprises, de sorte qu’il était nécessaire pour lui de rentrer en France pour sa sécurité et il demandait que lui soit envoyé un billet d’avion.

 

Par suite, l’employeur faisait procéder à son rapatriement le 02 juillet 2009, tout en lui remettant en main propre le 03 juillet 2009 un courrier dans lequel il indiquait qu’après vérification, la situation décrite par l’intéressé ne correspondait en rien à la réalité et que compte de la nécessité de modifier son organisation quant à une nouvelle affectation, il lui demandait de prendre 10 jours de congés payés consécutifs du 06 au 20 juillet 2009, lui précisant que sa prochaine affectation serait en Chine à compter de la fin du même mois.

 

Mais le salarié va se mettre en arrêt maladie, et les relations entre le salarié et l’entreprise vont se dégrader au point qu’après un nouveau refus du salarié d’accepter une affectation en Arabie Saoudite, l’employeur va le convoquer à un entretien préalable le 09 février 2010 et lui notifier son licenciement pour faute grave le 23 février 2010, lui reprochant le refus de la dernière affectation et lui reprochant également l’exercice du droit de retrait du 1er juillet 2009.

 

Considérant que son licenciement était dénué de cause réelle et sérieuse, le salarié va saisir le Conseil des Prud’hommes d’EVRY qui va le débouter de la totalité de ses demandes.

 

En cause d’appel, la Cour d’Appel de PARIS va, quant à elle, dans un Arrêt du 21 mai 2014, considérer que l’ensemble des éléments fournis à son appréciation faisait ressortir qu’il existait sur place une situation certaine d’insécurité, ce qui était de nature à confirmer les allégations du salarié qui disposait d’un motif raisonnable de penser qu’il existait une menace grave et imminente justifiant l’exercice d’un droit de retrait.

 

Par suite, la Cour va estimer que l’exercice du droit de retrait par l’intéressé était donc légitime et que par conséquent dès lors que l’un des reproches formulés par l’employeur dans la lettre de licenciement posait sur l’exercice de ce droit de retrait, le licenciement devait être considéré comme nul.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il prétend que la référence au droit de retrait exercé antérieurement par le salarié n’était cité qu’au titre d’un précédent justifiant un licenciement pour faute grave consistant à refuser d’exécuter une autre mission à l’étranger sans motif légitime. Il considère également que le droit de retrait qu’il avait accepté par précaution, quoique sa légitimité ait été par la suite contestée, ne lui interdisait pas de prononcer un licenciement pour faute grave sur un autre motif.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Relevant qu’ayant constaté que le salarié avait légitimement exercé son droit de retrait, peu important qu’il ait obtenu l’accord de son employeur pour quitter son poste de travail, et que l’un des reproches formulés par l’employeur dans la lettre de licenciement reposait sur l’exercice de ce droit de retrait, la Cour d’Appel en a exactement déduit, sans avoir à examiner les autres griefs invoqués, que le licenciement était nul.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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