Un salarié engagé en qualité de conducteur routier dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée du 14 octobre 2002, a exercé à partir du mois de juillet 2005 les mandats de délégué du personnel, délégué syndical et secrétaire du comité d’entreprise.
Le 30 avril 2008, il a saisi le Conseil des Prud’hommes de demandes de rappel de salaire pour heures supplémentaires et dommages et intérêts pour discrimination syndicale.
Le salarié va relever appel du Jugement rendu par le Conseil des Prud’hommes le 04 mai 2009.
Le 03 mars 2010, l’employeur sollicitait l’autorisation de l’Inspection du Travail de licencier le salarié pour faute, autorisation refusée.
En septembre 2010, l’employeur, invoquant de nouveaux faits de nature disciplinaire à l’encontre du salarié, a saisi l’Inspection du Travail d’une nouvelle demande d’autorisation de licenciement pour faute grave, autorisation qui a été refusée, puis accordée par le Ministre du Travail sur recours hiérarchique de l’employeur.
Par courrier du 08 août 2011, le salarié était licencié pour faute grave.
Par un Arrêt du 1er février 2012, la Cour d’Appel de POITIERS a donc ordonné le sursis à statuer sur l’appel du salarié dans l’attente de la décision de la Juridiction Administrative saisie du recours formé par le salarié contre la décision du Ministre du Travail.
Par Jugement du 10 avril 2013, le Tribunal Administratif a annulé la décision du Ministre du Travail, cette décision ayant été confirmée par la Cour Administrative d’Appel par un Arrêt rendu le 26 mars 2014, le Conseil d’Etat rejetant le pourvoi de l’employer le 03 avril 2015.
Par suite, le litige entre l’employeur et le salarié était remis au rôle de la Cour d’Appel de POITIERS laquelle, par un Arrêt du 26 septembre 2016, pour ce qui concerne la cause du licenciement, va considérer que le Juge Judiciaire ne peut plus, en raison du principe de la séparation des pouvoirs, apprécier son caractère réel et sérieux, dès lors que le Juge Administratif s’est prononcé sur le bienfondé de l’autorisation de licenciement du salarié protégé en examinant les griefs contenus dans la lettre de licenciement.
La Cour considère qu’il résulte de la décision du Tribunal Administratif confirmé par l’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel, que les faits reprochés au salarié, bien que présentant un caractère fautif, ne comportent pas toutefois un degré de gravité suffisante pour justifier à eux seuls le licenciement du salarié, et que contrairement à ce qui est soutenu par l’employeur, la décision de la Juridiction Administrative prononçant l’annulation de la décision du Ministre du Travail autorisant le licenciement du salarié, est donc motivé par des considérations relatives au caractère réel et sérieux.
Il s’ensuit que la Cour d’Appel de POITIERS s’estime liée par cette décision et elle en tire les conséquences en disant le licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui ouvre droit pour le salarié au paiement de diverses indemnités.
Ensuite de cette décision, le salarié forme un pourvoi en Cassation.
Si la Chambre Sociale rejette le premier moyen de l’employeur fondé sur la péremption d’instance, ainsi que le deuxième moyen de l’employeur fondé sur la condamnation à une somme au titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, toutefois, la Chambre Sociale va accueillir le troisième moyen de l’employeur au visa des articles L.1235-3 et L.2422-1 du Code du Travail.
Enonçant que, pour s’estimer liée par la décision de la Juridiction Administrative et dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’Appel a retenu qu’il résulte de la décision du Tribunal Administratif, confirmée par l’Arrêt de la Cour Administrative d’Appel, que les faits reprochés au salarié, bien que présentant un caractère fautif, ne comportaient pas toutefois un degré de gravité suffisant pour justifier à eux seuls son licenciement et que contrairement à ce qui est soutenu par l’employeur, la décision de la Juridiction Administrative prononçant l’annulation de la décision du Ministre du Travail autorisant le licenciement est donc motivée par des considérations relatives au caractère réel et sérieux du licenciement.
La Chambre Sociale considère qu’en statuant ainsi, alors que la Cour Administrative d’Appel avait seulement confirmé le Jugement du Tribunal Administratif sur un motif de légalité externe tenant à l’absence d’enquête contradictoire par l’Inspecteur du Travail, mais n’avait pas statué sur le motif selon lequel les faits reprochés au salarié ne comportaient pas un degré de gravité suffisant pour justifier son licenciement, de sorte que ce dernier motif ne pouvait constituer le soutien nécessaire de sa décision et que la Cour d’Appel qui devait dès lors rechercher si le licenciement du salarié était justifié par un cause réelle et sérieuse, a violé les articles L.1235-3 et L.2422-1 du Code du Travail.
Par suite, la Chambre Sociale casse et annule l’Arrêt d’appel sur le troisième moyen, seulement en ce qu’il a condamné l’employeur à verser au salarié diverses sommes au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et congés payés y afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement et d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Christine MARTIN
Associée
Vivaldi-Avocats