Sources : Cass. com., 1 avr. 2014, n° 13-11313 publié au bulletin
I-
La Cour de cassation juge qu’il résulte de la combinaison des articles 1315 du Code civil, L. 341-4 du Code de la consommation et L. 341-4 du Code de la consommation:
« qu’il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d’établir qu’au moment où il l’appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ».
En l’espèce, M. X (la caution) s’est rendu sous-caution par acte du 30 août 2006, puis caution par actes des 9 mai 2007 et 8 août 2008 envers la société BNP Paribas (la banque) de divers concours consentis à la société Fast and Serious (la société) dont il était le gérant. La banque a assigné en paiement la caution, qui a opposé la disproportion manifeste de ses biens et revenus à ses engagements et sollicité la déchéance de son droit aux intérêts contractuels.
Pour condamner la caution à payer à la banque une certaine somme, après avoir constaté la disproportion de ses engagements souscrits les 9 mai 2007 et 8 août 2008, la cour d’appel avait retenu que celle-ci ne rapportait pas la preuve de sa situation financière au moment où elle a été appelée.
II-
La Cour de cassation casse cette décision au motif qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés. Pour parvenir à une solution que l’on pourrait qualifier de “contra legem” dans la mesure ou elle est contraire à l’article 9 du CPC[1], la Haute Cour utilise la vieille ficelle de la combinaison des textes. Soit, mais une telle combinaison autorisait un résultat inverse. La Cour a donc décidé de pallier à la faiblesse des moyens de défense de certaines cautions en inversant la charge de la preuve ce qui la conduit de facto à instaurer une présomption selon laquelle la situation de la caution n’ a pas évolué entre la date de son engagement et celle à laquelle elle est appelée .
En pratique, l’évolution de la jurisprudence de la Haute Cour ne posera que peu de difficultés pour les engagements portant sur des montant élevés dans la mesure ou l’établissement n’ a du consentir le prêt qu’après avoir reçu de la caution la déclaration d’un patrimoine mobilier et/ou immobilier qui devrait permettre d’échapper à la critique de l’engagement disproportionné lors de la souscription de l’engagement. Cette décision va en revanche compliquer les recours contre les cautions dont l’essentiel de la solvabilité est constitué par les revenus ou à chaque foi qu’il n’a pas été procédé à un questionnaire de solvabilité.
La recette pour échapper à la caducité de l’engagement de caution passe nécessairement par le mise en place de procédures d’incident destinés à contraindre, avant les plaidoiries au fond, la caution à justifier au besoin sous la sanction de l’astreinte , l’état de son patrimoine, et de ses revenus .
Pour y parvenir le banquier utilisera deux textes du code de procédure civil :
Article 10 :“Le juge a le pouvoir d’ordonner d’office toutes les mesures d’instruction légalement admissibles”.
Article 11:”Les parties sont tenues d’apporter leur concours aux mesures d’instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d’une abstention ou d’un refus.
Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d’astreinte. Il peut, à la requête de l’une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s’il n’existe pas d’empêchement légitime“
Que peut demander le banquier à la caution ?
– d’abord l’avis d’imposition du débiteur qui sera une source de renseignement sur ses revenus et accessoirement sur son patrimoine,
– ensuite l’autorisation d’interroger FICOBA (sans décision de justice ce n’est paspossible)
Enfin, le banquier pourra puiser des informations dans la traditionnelle enquête de solvabilité.
Mais au global il faut admettre que la gestion de ce type de contentieux est un peu plus compliqué par cette nouvelle décision.
Eric DELFLY
Vivaldi-Avocats
[1] ;”Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention »