Obligation d’information de la caution et époux commun en biens

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

SOURCE : Cass. com., 9 février 2016, n° 14-20.304, F-P+B

 

En 2007, un garant se porte caution solidaire des dettes bancaires contractées par une société. Conformément aux dispositions de l’article 1415 du Code civil, son épouse commune en biens intervient à l’acte de cautionnement pour l’autoriser à engager les biens de la communauté.

 

En 2009, la société est mise en liquidation judiciaire, et une hypothèque judiciaire conservatoire sur l’immeuble commun du couple est octroyée à la banque. Reprochant à celle-ci son défaut de mise en garde, l’épouse assigne l’établissement de crédit en responsabilité délictuelle, et sollicite le paiement de dommages et intérêts. Les juges du fond la débouteront de ses demandes. Un pourvoi en cassation est formé.

 

Selon la demanderesse, le banquier dispensateur de crédit, qui sollicite une extension de l’assiette de sa garantie sur les biens communs des époux, est tenu d’une obligation d’information et de mise en garde à l’égard du conjoint qui donne son consentement exprès à l’acte de cautionnement souscrit par son époux.

 

La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que le consentement de l’épouse au cautionnement donné par son époux en garantie des dettes de la société, en application de l’article 1415 du Code civil, n’a pas eu pour effet de lui conférer la qualité de partie à l’acte, et qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’impose au créancier bénéficiaire du cautionnement de fournir des informations ou une mise en garde au conjoint de son cocontractant, préalablement à son consentement exprès.

 

Ainsi l’épouse commune en biens n’est créancière d’aucune obligation d’information ou de mise en garde à l’égard de la banque bénéficiaire du cautionnement.

 

La Cour de cassation rappelle dans son arrêt l’objet même de l’article 1415 du Code civil, consistant soit à étendre le patrimoine pouvant répondre de la dette du débiteur principal aux biens communs, soit à protéger les biens communs d’engagements excessifs ou injustifiés d’un conjoint au détriment de la communauté.

 

Cette disposition ne prévoit… rien d’autre.

 

S’agissant de l’époux commun en biens apportant son consentement à l’acte d’engagement de caution de son conjoint, aucun texte ne vient exiger de sa part  la reproduction d’une mention manuscrite spécifique relative aux conséquences de son consentement.

 

Concrètement, la mention «bon pour consentement aux engagements ci-dessus » suffit à lui seul pour valider le consentement exprès dans les formes de l’article 1415 du Code civil[1], la Cour de cassation n’exigeant pas non plus que le consentement exprès de l’autre conjoint au cautionnement soit donné dans les conditions prescrites par l’article 1326 Code civil[2].

 

Il s’agit en l’espèce d’un accord à donner sur l’étendue du gage du créancier et du passif de communauté, qui suppose seulement une discussion entre conjoints, sans ingérence de tiers, peu importe d’ailleurs que le consentement ait été donné hors la présence d’un représentant de la banque, qui ne doit pas interférer dans les rapports entre époux, au risque pour lui de se voir reprocher une immixtion dans les rapports familiaux et une pression inadmissible sur la volonté du conjoint.

 

En outre, l’article 1415 du Code civil n’impose pas une formalité substantielle rendant caducs ou nuls les contrats visés en cas d’absence de consentement, mais impose une formalité d’opposabilité, le recours du créancier se trouvant limité dans une telle hypothèse aux biens et revenus propres de l’époux contractant, sans pouvoir s’étendre aux biens communs.

 

En conséquence, la Cour de cassation a pu juger que « c’est à bon droit qu’une cour d’appel, après avoir constaté que l’acte de cautionnement souscrit par un époux comportait la mention du consentement de l’épouse suivie de la signature de celle-ci, en a déduit que le créancier qui agissait en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible régulièrement signifié à l’époux caution, son seul débiteur, était fondé à en poursuivre l’exécution forcée sur le bien immobilier commun »[3]. En l’espèce, la signification à l’épouse du jugement ordonnant la vente forcée de l’immeuble n’avait pas été diligentée.

 

Pour conclure, si l’époux commun en biens estime ne pas disposer des qualifications juridiques ou financières suffisantes pour apprécier la portée de son consentement à formaliser, il lui est loisible d’obtenir auprès d’un conseil tout renseignement lui faisant défaut. Il ne peut pas en tous les cas invoquer une obligation précontractuelle d’information qui n’est applicable que dans les rapports entre banquier et emprunteur, ou entre banquier et caution non avertie.

 

Cette précision est, à notre sens, la bienvenue.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cass. civ., 1ère, 4 juin 1996, Bull. civ. I, no 235

[2] Cass. civ., 1ère, 13 nov. 1996, Bull. civ. I, no 392

[3]Cass. civ. 2ème, 15 oct. 2015, no 14-22.684 P

 

 

 

 

 

 

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