Nullité d’une cession de parts sociales : Quid de l’effet rétroactif sur les décisions prises en assemblée générale ?

Eléonore CATOIRE
Eléonore CATOIRE - Avocat

Comme fréquemment en cas d’annulation d’une cession de société, se pose la question de la validité des décisions prises par les nouveaux associés dans le laps de temps séparant la cession litigieuse, et l’annulation de celle-ci par les juges.

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 octobre 2023, 21-24.646, Publié au bulletin

Dans un arrêt qui reçoit les honneurs de la publication au bulletin, la Cour de Cassation revient sur un sujet délicat : L’annulation d’assemblée générale irrégulièrement convoquée, conformément à l’article L 223-27 du Code de commerce.

En principe le juge a l’appréciation souveraine de l’opportunité d’annuler ces assemblées générales, et c’est là tout l’enjeu de l’arrêt.

A l’origine de cette nouvelle décision, les parts sociales d’une SARL font l’objet d’une cession intégrale.

Quelques années plus tard, à la mort de l’un des cédants initial, ses héritiers s’aperçoivent chez le notaire, lors de l’ouverture de la succession, que lesdites parts sociales ne font plus partie du patrimoine successorale.

Ils entreprennent de contester la signature de l’acte de cession, et ainsi tenter de remettre en cause la cession opérée. Les signatures apposées sur les documents relatifs à l’agrément des nouveaux associés, et modification des statuts ainsi que sur les procès-verbaux antérieurs ne seraient pas de la main de la défunte.

Ses héritiers invoquent le fait qu’aucun élément ne permet de retenir que leur mère avait pu être informée de la cession régularisée en son nom, avec usage de faux pour sa signature.

C’est ainsi qu’au cours de ce contentieux, s’est posée la question de l’annulation de toutes les assemblées générales postérieures à la cession contestée.

Les Cessionnaires font grief à la Cour d’Appel d’avoir :

  • déclaré l’action en nullité de la cession, recevable,
  • et donc déclaré nulle la cession,
  • ordonné des restitutions
  • et surtout, d’avoir prononcé l’annulation de l’ensemble des assemblées générales ordinaires et extraordinaires de la SARL.

Ils se pourvoient en cassation.

Outre les autres points de droit que soulève cet arrêt (prescription de la demande des héritiers notamment), nous nous intéresserons plus particulièrement aux conséquences de la demande d’annulation portant sur l’ensemble des AG votées entre la cession des parts sociales litigieuses, et la nullité de ladite cession.

En l’occurrence, les assemblées générales qui étaient régulièrement convoquées, changent de statut a posteriori, dans la mesure où les parties sont replacées dans les circonstances antérieures à la cession : Les cédants redeviennent associés de la SARL.

La Cour de cassation relève que :

« Il résulte de la combinaison des articles 1844, alinéa 1, et 1844-10, alinéa 3, du code civil que la participation d’une personne n’ayant pas la qualité d’associé aux décisions collectives d’une société à responsabilité limitée constitue une cause de nullité des assemblées générales au cours desquelles ces décisions ont été prises, dès lors que l’irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision ».

Les juges relèvent ensuite que les cessionnaires détenaient ensemble 450 parts sur les 500 parts sociales composant le capital social de la SARL de sorte que :

« l’irrégularité tenant à la participation des premiers aux assemblées générales, cependant qu’ils n’avaient pas la qualité d’associé, ne pouvait qu’être de nature à influer sur le résultat du processus de décision ».

En conclusion, les juges considèrent que la règle relative à l’opportunité pour les juges du fond, d’apprécier la demande d’annulation suite à une irrégularité de convocation n’a pas à s’appliquer dans le cadre d’une annulation sollicitée, non pas pour convocation irrégulière, mais sur le fondement de la participation d’une personne n’ayant pas la qualité d’associé aux décisions collectives d’une SARL.

Cette annulation des assemblées générales est dite de « pur droit » dès lors qu’un individu qui n’est pas associé, à participé aux AG de la SARL.  Sa participation constitue une cause de nullité des assemblées générales « dès lors que l’irrégularité est de nature à influer sur le résultat du processus de décision ».

Au cas d’espèce, dans la mesure où les cessionnaires illégitimes représentaient 90 % du capital, cette irrégularité était nécessairement de nature à influer sur l’adoption ou non des résolutions soumises aux décisions collectives.

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