Nullité du cautionnement consenti par une SCI à un tiers

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

 

SOURCE : CA PARIS, 30 avril 2014. n°13-011690. Ch.5-8

 

Une agence de voyages titulaire d’une licence a adhéré à l’APST, organisme de garantie collective des entreprises intervenant dans le secteur d’activité du tourisme.

 

Cette association fournit à ses membres la garantie financière prévue par l’article L 211-8 du code du tourisme, nécessaire à l’immatriculation des opérateurs de voyages.

 

L’APST a fourni à cette agence de voyages une garantie financière.

 

Une SCI, dont trois des six associés étaient également associés de l’agence de voyages a donné à bail ses locaux à ladite agence de voyages.

 

Le gérant de la SCI s’est engagé comme caution des obligations de l’agence de voyages envers l’APST, plus précisément elle prenait l’engagement de s’exécuter à première demande de l’APST, sans soulever la moindre contestation.

 

C’est ainsi que la SCI, sur demande de l’APST a effectué un virement bancaire au bénéfice de celle-ci à hauteur de 200.000 €.

 

La défaillance financière de l’agence de voyages a conduit à sa radiation de l’APST, la garantie cessant au terme d’un délai de 3 jours et un délai de trois mois étant ouvert aux clients pour faire état de leur réclamation auprès de l’APST.

 

A l’expiration du délai de trois jours susvisé, l’agence de voyages ne pouvait plus conclure de nouveaux contrats.

 

Ladite agence de voyages a été mise en liquidation judiciaire et l’APST a déclaré au passif sa créance, laquelle après déduction du versement effectué par la SCI s’élevant à la somme de 92.320 €.

 

Puis, le TGI de Paris a ouvert à l’encontre de la SCI une liquidation judiciaire et l’APST a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 93.320 €, somme contestée par le liquidateur judiciaire.

 

Le liquidateur a engagé une action devant le Tribunal de Grande Instance aux fins d’annulation de l’engagement de caution solidaire souscrit par la SCI et de remboursement des sommes versées.

 

Par jugement en date du 21 décembre 2012, le Tribunal de Grande Instance de Paris a débouté le liquidateur de ses demandes.

 

Le tribunal a dit le cautionnement régulier, aux motifs qu’il avait été consenti à l’unanimité des associés et conforme à l’intérêt de la société caution en relevant que :

 

celle-ci entretenait des relations contractuelles étroites avec la société cautionnée,

 

elle retirait sa trésorerie des loyers des locaux donnés à bail à l’agence de voyages,

 

il y avait identité du gérant, des associés et du siège social des deux sociétés.

 

Le liquidateur a relevé appel de ce jugement.

 

La cour d’appel devait donc se prononcer sur la nullité du cautionnement.

 

Au soutien de son appel, le liquidateur faisait valoir que le cautionnement donné par la SCI est nul car contraire aux principe du droit des associés visés aux articles 1849, 1852 et 1854 du Code Civil pour ne pas avoir été consenti par les associés à l’unanimité et pour être contraire à l’objet social.

 

Selon l’article 1849 du code précité, dans les rapports avec les tiers, le gérant engage la société par les actes entrant dans l’objet social.

 

De même, il résulte de l’article 1852 du code civil que, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus au gérant sont prises selon les dispositions statutaires ou, en leur absence, à l’unanimité des associés.

 

La cour devait donc vérifier la validité du cautionnement donné par la SCI et plus précisément s’il entrait dans son objet social (1), si le consentement unanime des associés a bien été donné (2) et enfin s’il était conforme à l’intérêt social (3).

 

1.- Sur la conformité de l’engagement de caution à l’objet social :

 

La Cour rappelle que la SCI a pour objet l’acquisition, la gestion, la location et l’administration, l’exploitation par bail ou tous autre moyens de toutes propriétés, et de manière générale « toutes opérations de nature à favoriser le but social pourvu que ces opérations ne modifient pas le caractère civil de la société à l’exclusion de toute opération commerciale ».

 

La cour relevant que la SCI est propriétaire d’un immeuble, dont une partie a été donnée en location à l’agence de voyages.

 

La Cour d’Appel d’en conclure que l’engagement de caution n’entrant pas dans l’objet social de la SCI.

 

Restait donc à vérifier si le cautionnement avait reçu le consentement unanime des associés.

 

2.- Sur le consentement unanime des associés :

 

La Cour relève que l’engagement de caution au profit de l’APST a été signé par le gérant de la SCI, sans vote des associés, lesquels n’ont pas été préalablement convoqués pour en délibérer.

 

Et la Cour d’indiquer que si les associés ont par délibération unanime de l’AGE accepté que la SCI s’engage comme caution de l’agence de voyages envers l’APST étant donné tous pouvoirs au gérant pour signer tous actes en vue de la constitution du cautionnement, cet engagement n’était valable que pour une durée de un an tacitement renouvelable sauf dénonciation 6 mois avant l’échéance.

 

Cependant, si la SCI n’a jamais dénoncé cet engagement, il ne peut en être déduit, comme l’ont fait à tort les premiers juges, que le gérant était habilité à souscrire un engagement de caution portant sur la somme de 400.000 €, au motif que l’augmentation ne modifiait pas la nature de l’autorisation, alors qu’il s’agissait selon la Cour non d’un simple renouvellement, lequel n’aurait nécessité aucun acte, mais d’un engagement distinct.

 

En conséquence, loin de porter sur les modalités de paiement de la somme de 200.000 €, mais sur la décision de verser cette somme, constituant un nouvel engagement, le gérant a dépassé ses pouvoirs.

 

Il manque donc le consentement unanime des associés.

 

3.- La conformité du cautionnement à l’intérêt social :

 

Quant bien même la SCI et l’agence de voyages avaient un dirigeant, des associés et un siège communs dans l’immeuble dont l’une était bailleresse et l’autre locataire, ces similitudes ne leur confèrent pas pour autant une identité d’intérêt.

 

La cour retient qu’à défaut de proportionnalité entre l’engagement souscrit et l’avantage retiré, en cautionnant l’agence de voyages, la SCI était conduite à agir dans son intérêt.

 

Peu importe que la SCI ait disposé d’une trésorerie suffisante lorsque l’APST a appelé la somme de 200.000 € ou que sa liquidation judiciaire ait été ouverte 3 ans après celle de la société cautionnée.

 

Au visa des moyens sus énoncés, la Cour d’Appel a infirmé le jugement querellé et déclaré nul le cautionnement.

 

Cette décision est conforme à la jurisprudence subordonnant la validité d’un cautionnement consenti par une société en dehors de son objet social à une double condition :

 

– il doit être donné à l’unanimité des associés ou en considération d’une communauté d’intérêts avec le débiteur garanti ;

 

 il ne doit pas porter atteinte à l’intérêt social.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article