Sources : Cass. com., 10 sept. 2013, n° 12-21.140 FS+P+B
I- Le principe
La transmission de l’ensemble des biens affectés à l’exploitation d’une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale est exonérée de droits de donation ou de succession, à concurrence de 75% de la valeur de ces biens, si les conditions suivantes sont cumulativement remplies :
– l’entreprise individuelle a été détenue depuis plus de 2 ans par le défunt ou le donateur lorsqu’elle a été acquise à titre onéreux ;
– chacun des héritiers, donataires ou légataires prend l’engagement de conserver l’ensemble des biens affectés à l’exploitation de l’entreprise pendant une durée de 4 ans à compter de la date de la transmission ;
– un des héritiers, donataires ou légataires poursuit effectivement l’exploitation de l’entreprise individuelle pendant les 3 années qui suivent la date de la transmission ( CGI, art. 787 C ; BOI-ENR-DMTG-10-20-40-40, 24 déc. 2012).
II- L’arrêt
Dans sa décision commentée la Cour de cassation juge que le bénéfice de l’exonération partielle de droits de succession n’est pas subordonné à l’exploitation de l’entreprise individuelle par le défunt lui-même au moment de son décès.
La Cour rejette ainsi l’interprétation de l’administration fiscale, selon laquelle « les conditions d’engagement individuel de conservation des biens et de poursuite de l’exploitation de l’entreprise visent à assurer la continuation de l’exploitation de l’entreprise après le décès de l’entrepreneur, un but [qui serait] dénué de sens si l’entrepreneur n’exploitait pas au moment du décès ».
Et … casse ainsi l’arrêt de la Cour d’appel de Reins[1] qui avait retenu l’analyse de l’Administration en jugeant qu’« à la suite de la transmission par décès, l’un des héritiers devait poursuivre l’exploitation de l’entreprise, ce qui impliquait une exploitation par le défunt au moment de son décès »
Pour la Haute juridiction, une telle interprétation ajoute à la loi qui se borne à exiger, concernant le défunt, la détention de l’entreprise individuelle pendant 2 ans.
On relèvera à cet effet que cette condition s’impose uniquement si l’entreprise a été acquise à titre onéreux. Aucun délai de détention n’est exigé lorsque le défunt a acquis l’entreprise autrement qu’à titre onéreux (mutation à titre gratuit, création[2]
Dans l’affaire sur laquelle la Cour avait à se prononcer, le défunt détenait toujours l’entreprise au jour de son décès mais c’est son épouse qui en assurait l’exploitation, son mari ayant cessé d’exercer l’activité depuis 5 ans. L’objectif de continuation de l’activité poursuivi par le législateur pouvait donc être considéré comme rempli, ce qui peut amener à analyser l’arrêt comme une décision d’espèce.
Toutefois, la publicité donnée à cet arrêt par la Cour elle-même incite à considérer son interprétation comme une solution de principe, laquelle pourrait également s’appliquer en cas de transmission par donation.
Eric DELFLY
Vivaldi-Avocats