Licenciement disciplinaire : le Juge doit apprécier, non seulement le caractère réel du motif du licenciement, mais également son caractère sérieux.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 25 octobre 2017, n° 16-11.173 (F-P+B).

 

Une salariée embauchée, à compter du 03 octobre 2005, en qualité de responsable régionale d’un groupement d’achats de matériels pour établissements de santé, a été convoquée le 07 juillet 2010 à un entretien préalable à sanction disciplinaire pour le 16 juillet 2010, immédiatement suivi d’une convocation à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied conservatoire, son licenciement lui ayant été notifié le 28 juillet 2010 pour faute grave.

 

La très longue lettre de licenciement énonçait un certain nombre de griefs reprochés à la salariée et notamment le défaut de reconnaissance de sa hiérarchie, une attitude irrespectueuse et méprisante à l’égard de certains de ses collègues, un niveau d’activité insuffisant, une utilisation abusive du téléphone portable, de l’ordinateur et du véhicule de fonction et des notes irrégulières de frais de repas.

 

Par suite, la salariée va saisir le Conseil des Prud’hommes de LILLE, afin de faire constater l’irrégularité et l’illégitimité de son licenciement, demandant la condamnation de son employeur au versement des indemnités de rupture.

 

Par Jugement du 29 mars 2013, le Conseil des Prud’hommes de LILLE va la débouter de sa demande, de sorte que la salariée forme appel de cette décision.

 

Examinant point par point les différents griefs énoncés dans la lettre de licenciement, la Cour d’Appel de DOUAI, dans un Arrêt du 27 novembre 2015, va considérer que sont seuls établis, l’utilisation abusive de l’ordinateur portable et de la carte de télépéage, et que si ces faits sont bien fautifs, leur sanction par la mise en œuvre d’une procédure de licenciement apparaît disproportionnée, de sorte qu’elle en conclut que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’elle condamne l’employeur à verser à la salariée un ensemble de sommes liées au titre de rappel de salaires et d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

 

Ensuite de cette décision, l’employeur forme un pourvoi en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, il reproche à l’Arrêt d’appel :

 

– D’avoir outrepassé ses pouvoirs en décidant que la sanction du licenciement disciplinaire est disproportionnée aux fautes du salarié qu’il a néanmoins établies,

 

– De ne pas avoir expliqué en quoi les autres sanctions que l’employeur aurait pu prononcer en l’état des fautes avérées du salarié, n’étaient pas hors de proportion avec les faits reprochés,

 

– De ne pas avoir précisé en quoi une telle sanction serait disproportionnée avec la faute ou injustifiée,

 

– Que la seule utilisation abusive par le salarié de l’ordinateur mis à sa disposition constitue une faute grave justifiant son licenciement disciplinaire sans que l’employeur soit tenu de rapporter la preuve de l’illicéité du contenu des fichiers téléchargés sur internet ou de l’existence d’un piratage, après avoir constaté qu’un tel téléchargement de données par son ampleur présente un caractère abusif et que la faute imputée à la salariée ne justifiait pas son licenciement disciplinaire.

 

Mais la Chambre Sociale ne va pas suivre l’employeur dans son argumentation.

 

Enonçant qu’il résulte de l’article L.1235-1 du Code du Travail qu’il appartient au Juge d’apprécier, non seulement le caractère réel du motif de licenciement disciplinaire, mais également son caractère sérieux, elle affirme que la Cour d’Appel a pu estimer que l’utilisation parfois abusive de la carte de télépéage mise à la disposition de la salariée et le téléchargement sur l’ordinateur portable de fichiers personnels volumineux, n’étaient pas constitutifs d’une faute grave, de sorte qu’elle a pu estimer dans l’exercice de son pouvoir souverain qu’ils n’étaient pas constitutifs d’une cause réelle et sérieuse.

 

Par suite, la Chambre Sociale rejette le pourvoi.

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

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