Liberté de mouvements des capitaux et imposition des plus values immobilières des SCI dont les associés sont non résident

Caroline DEVE
Caroline DEVE - Avocat

 

Source :CE 20/10/2014 n°367234, mentionné dans les tables du recueil Lebon

 

L’article 244 bis A du CGI prévoit les modalités d’imposition des plus values réalisés par les personnes physiques ou sociétés qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France.

 

Cette disposition prévoit deux taux distincts en fonction du lieu de résidence du contribuable :

 

un taux de 19% (auparavant, il était fixé à 16%) pour les contribuables résidents d’un Etat membre de l’UE ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale ;

 

un taux de 33.33% pour les autres contribuables.

 

C’est ce dernier taux qu’une SCI ayant réalisé une plus value immobilière s’est vue appliquer. Ses associés, qui ont acquitté l’imposition, en ont demandé le dégrèvement à hauteur de la différence avec le taux de 16% (en vigueur au moment des faits).

 

La Cour Administrative d’appel a fait droit à leurs demandes et le Conseil d’Etat valide cette position.

 

Le Conseil d’Etat motive sa décision en faisant uniquement appel aux principes du droit communautaire.

 

Il rappelle que le traité instituant la Communauté européenne (remplacé par le traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne) interdit les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et les pays tiers.Seules deux exceptions à ce principe sont prévues :

 

les restrictions existant le 31 décembre 1993 peuvent continuer à être appliquées aux pays tiers ;

 

les Etats membres peuvent prendre toutes dispositions établissant une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis et toutes dispositions indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale, sous réserve que ces dispositions ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux.

 

Le Conseil d’Etat fait le constat que la distinction instaurée par l’article 244 bis A du CGI entre les contribuables résidents d’un Etat membre de l’UE ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale et les autres « en réduisant le taux de rentabilité d’un investissement immobilier en France, [est] de nature à dissuader les investisseurs résidents de certains pays tiers d’investir en France et, par suite, constitue une restriction aux mouvements de capitaux en provenance ou à destination de ces pays, en principe interdite par l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne ».

 

Dans la mesure où aucune des exceptions ci-dessus rappelées qui justifieraient une restriction au principe de liberté de mouvement des capitaux ne trouvent à s’appliquer, le taux de 16% (aujourd’hui 19%) doit s’appliquer.

 

Le Conseil d’Etat ouvre ainsi une porte pour la suppression du prélèvement du tiers sur les plus values immobilières réalisées par des personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France.

 

Une réclamation en vue d’obtenir le dégrèvement à concurrence de la différence entre le taux de 33.33% et le taux de 19% peut ainsi être introduite au visa des articles 63, 64 et 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne.

 

Le délai de réclamation est court : la réclamation doit être présentée au plus tard le 31 décembre de l’année suivant celle au cours de laquelle le prélèvement a été opéré.

 

Caroline DEVE

Vivaldi-Avocats

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