Sur la qualification de « convention d’occupation précaire »

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

SOURCE : 3ème civ, 15 octobre 2014, n°13-20085, FS – P + B

 

En l’espèce, un bail commercial est résilié d’un commun accord entre les parties. Par convention à effet au 1er janvier 2006, bailleur et preneur décident de prolonger leurs relations contractuelles pour une durée de 2 ans, par une convention innommée stipulant que la location est exclue du statut des baux commerciaux.

 

Quelques mois avant la fin de cette durée, le locataire informe son bailleur qu’il ne sera pas en mesure de libérer les locaux pour la date convenue, étant contraint de respecter des obligations de dépollution du site. Il sollicite du bailleur, par LRAR du 16 mai 2007, la possibilité de prolonger la convention pendant un an, et de la transformer en bail commercial, ce que le bailleur a accepté officiellement.

 

Par LRAR du 8 juillet 2008, le locataire donne congé au bailleur pour le 31 décembre 2008.

 

Le bailleur a contesté la validité du congé, et sollicité le règlement des loyers 2009.

 

Devant les juges du fond, le locataire semble être revenu sur son courrier du 16 mai 2007, et considère que la convention est d’occupation précaire. Le bailleur considère quant à lui que la convention est un bail dérogatoire, transformé en bail commercial à effet au 1er janvier 2006 par l’effet d’un accord de volonté entre les parties.

 

Par une appréciation souveraine, la Cour d’appel d’Amiens constate que la location bisannuelle des parties ne peut être qualifiée de convention d’occupation précaire[1], puisqu’il n’existe aucun motif de précarité précisé dans la convention, et que la convention est contradictoire sur sa qualification.

 

Pour les juges du fond, il s’agit donc d’un bail dérogatoire, communément appelé en pratique « bail précaire ».

 

Les juges en déduisent que le maintien du preneur dans les lieux a entrainé la naissance d’un nouveau bail commercial soumis aux dispositions du statut des baux commerciaux qui théoriquement, devait prendre effet à l’issue du bail dérogatoire, soit le 1er janvier 2008…cependant, les juges du fond donnent plein effet à l’accord des parties intervenu en 2007 afin de donner rétroactivement effet au bail commercial le 1er janvier 2006.

 

Le preneur pouvait donc délivrer congé jusqu’au 30 juin 2008, pour le 31 décembre 2008, première échéance triennale.

 

En délivrant congé par LRAR, ce qui n’était pas possible avant l’entrée en vigueur de la loi PINEL[2], moins de 6 moins avant la première période triennale, le congé ne pouvait prendre effet à cette date. Les loyers 2009 (mais également 2010 et 2011) sont donc dus.

 

L’arrêt est confirmé par la Cour de cassation au terme d’un contrôle normatif lourd. Ainsi, non seulement la Haute juridiction approuve la Cour d’appel d’Amiens d’avoir retenu que faute de motif de précarité, la convention conclue postérieurement à un bail commercial résilié amiablement est un bail dérogatoire, mais qu’une décision contraire aurait été censurée.

 

Il en résulte que le maintien du preneur dans les lieux au-delà du 31 décembre 2007, date d’échéance de la convention, entrainait inévitablement la création d’un bail commercial, qui, selon la Haute juridiction et conformément à la volonté des parties, pouvait prendre effet rétroactivement au 1er janvier 2006.

 

Il ne reste plus au Preneur qu’à délivrer congé, par acte extrajudiciaire ou LRAR…pour le dernier jour d’un trimestre civil, puisqu’à supposer que le preneur ait omis de régulariser la situation pour le 31 décembre 2011, le bail se poursuivra par tacite prolongation à compter du 1er janvier 2015.

 


[1] Sur la convention d’occupation précaire, cf notre article chronos du 26 juin 2014 et l’article L145-5-1 du Code de commerce qui la définit

[2] Sur ce point, cf nos articles chronos des 26 juin 2014 et 12 novembre 2014

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