SOURCE : Conseil constitutionnel, décision n°2014-374 QPC du 4 avril 2014, Sté Séphora.
Le Conseil constitutionnel avait été saisi le 8 janvier 2014 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité, posée par la société Séphora, relative à la conformité de l’article L. 3132-24 du code du travail aux droits et libertés garantis par la Constitution.
L’article L. 3132-24 du code du travail dispose que « les recours présentés contre les décisions prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3123-23 ont un effet suspensif », étant précisé que :
– l’article L. 3132-20 prévoit dans l’hypothèse où le repos simultané le dimanche de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement, la faculté pour le préfet d’autoriser des dérogations temporaires au repos dominical selon des modalités limitativement énumérées ;
– l’article L. 3123-23 prévoit les conditions d’extension de l’autorisation dérogatoire à plusieurs autres établissements exerçant la même activité dans la même localité, s’adressant à la même clientèle.
Autrement dit, si le législateur a ainsi prévu la possibilité de déroger au repos dominical, sous réserve de respecter certaines conditions, il demeure que tout recours formé à l’encontre de l’autorisation préfectorale devant le juge administratif, suspend de plein droit les effets de cette dernière décision, dès le dépôt du recours par le requérant au greffe de la juridiction.
Il est notable que cet effet suspensif déroge au principe connu de l’effet non suspensif des recours en matière de contentieux administratif, consacré à l’article L.4 du code de justice administrative.
Or, la requérante soutenait qu’un tel effet suspensif contrevenait au droit à un recours juridictionnel effectif, aux droits de la défense, au droit au procès équitable, ainsi qu’au principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où il privait l’employeur, pour une durée indéterminée, du bénéfice de l’autorisation de permettre aux salariés volontaires de travailler le dimanche, et ce alors même que cette autorisation revêtait un caractère temporaire.
En effet, il ne ressortait d’aucune disposition législative que la juridiction saisie ait à statuer dans un délai déterminé, « qui ne prive pas de tout effet utile l’autorisation accordée par le préfet ».
Après avoir ainsi rappelé et pris en considération :
– le caractère suspensif du recours des effets de la dérogation préfectorale dès le dépôt au greffe de la requête ;
– la prolongation de l’effet suspensif jusqu’à ce que le juge ait statué, et ce alors même que ce dernier n’était tenu par aucun délai, et que la dérogation préfectorale était accordée pour une durée limitée ;
– l’absence de voie de recours pour s’opposer à l’effet suspensif.
Le Conseil constitutionnel a considéré que, « compte tenu tant de l’effet et de la durée de la suspension que du caractère temporaire de l’autorisation accordée », les dispositions de l’article L. 3132-24 du code du travail méconnaissaient les exigences constitutionnelles relatives à la garantie des droits précités découlant des articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
En conséquence, l’article L. 3132-24 du code du travail a été déclaré contraire à la Constitution.
La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 3132-24 du code du travail a pris effet à compter de la date de publication de ladite décision, et se trouve applicable aux affaires nouvelles ainsi qu’aux affaires non jugées définitivement à la date de publication.
Stéphanie TRAN
Vivaldi-Avocats