Nous avions décrit les intérêts d’un tel montage et ses limites dans un article Chronos publié le 20 avril 2015
Le Comité de l’abus de droit fiscal vient de rendre un nouvel avis intéressant concernant la l’apport temporaire de l’usufruit des parts d’une SCI (IR) à une autre SCI (IS) conduisant à une non-imposition au titres des revenus fonciers des loyers par ’effet des dispositions de l’article 238 bis K du CGI.
Au cas particulier (Affaire n° 2016-11), le Comité a émis l’avis que l’administration n’était pas fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.
« Affaire n° 2016-11 concernant M. ou Mme X
M. et Mme X détiennent, dans des proportions variant de 49,98 % à 98,75 % de leur capital, des titres de plusieurs sociétés civiles immobilières (SCI) propriétaires de locaux commerciaux donnés en location.
Ils sont assujettis à l’impôt sur le revenu sur la quote-part leur revenant dans les résultats de ces SCI déterminés selon les règles des revenus fonciers.
Le 8 décembre 2010, les époux X créent la société civile A avec leur fille, Mme Y, qui en devient co-gérante avec son père, et la société civile B avec leur fils, M. Z, qui en est nommé co-gérant avec sa mère.
Chacune de ces deux sociétés opte, dès leur constitution, pour l’assujettissement de leurs bénéfices à l’impôt sur les sociétés.
Chaque société reçoit des époux X, en apport en nature, l’usufruit temporaire, pour une durée de 9 ans prenant effet le 1er janvier 2010, de la moitié des titres qu’ils détiennent dans ces SCI, ainsi que de chaque enfant associé une somme de 74 556 euros apportée en numéraire.
En conséquence, par l’effet des dispositions de l’article 238 bis K du code général des impôts, les résultats des SCI ont été, à compter du 1er janvier 2010, déterminés selon les règles applicables en matière de bénéfices industriels et commerciaux, puis taxés au nom des sociétés A et B à l’impôt sur les sociétés aux taux de 15 % pour la fraction n’excédant pas 38 120 euros et 331/3 % pour la fraction supérieure à ce montant en application du b du I de l’article 219 du code général des impôts alors qu’antérieurement les revenus fonciers de ces SCI étaient imposés selon le taux progressif du barème de l’impôt sur le revenu au nom de chaque associé au prorata de ses droits.
L’administration a considéré que ces opérations constituaient un montage mettant en œuvre deux sociétés civiles dépourvues de substance économique et poursuivant le but exclusivement fiscal d’atténuer la charge fiscale des époux X par une application littérale des dispositions de l’article 238 bis K du code contraire à l’intention du législateur.
Par une proposition de rectification du 18 décembre 2013, elle a mis en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévu à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales afin de taxer dans la catégorie des revenus fonciers les résultats précédemment imposés au titre de l’impôt sur les sociétés.
Le Comité a entendu ensemble le contribuable et son conseil ainsi que le représentant de l’administration.
Le Comité estime que l’option d’une société pour l’assujettissement de ses bénéfices à l’impôt sur les sociétés n’est pas en elle-même constitutive d’un abus de droit alors même que le régime d’imposition qui résulte de cette option est plus favorable au contribuable.
Il en irait autrement si une telle option s’exerçait dans le cadre d’un montage dans lequel la société ayant opté pour l’impôt sur les sociétés est dépourvue de toute substance économique et n’a été créée que dans le seul but d’atténuer la charge fiscale du contribuable par une application littérale des dispositions légales pertinentes, contraire aux objectifs qu’en les adoptant, le législateur a entendu poursuivre.
Le Comité relève, en premier lieu, qu’en l’espèce, les sociétés A et B disposent chacune d’un compte bancaire et d’une trésorerie abondante résultant des résultats dégagés par les SCI à proportion des droits en usufruit qu’elles détiennent temporairement dans leur capital. Il note encore que ces ressources permettent notamment aux sociétés A et B de payer les impositions dont elles sont redevables comme de procéder à des placements financiers.
Il constate, en deuxième lieu et d’une part, que la société A a fait l’acquisition en 2012 d’un bien immobilier d’une valeur de 294 000 euros, lequel est donné en location et lui procure environ 15 000 euros de recettes chaque année. Il estime à cet égard que la circonstance que cette acquisition ait reçu un financement externe plutôt que de donner lieu à l’emploi par la société de ses ressources propres relève de la liberté de gestion de l’entreprise et ne permet pas de caractériser un défaut de substance économique.
Le Comité constate, d’autre part, que la société B est entrée en 2011 au capital de la société C et a maintenu, à travers plusieurs augmentations successives de capital, sa participation à hauteur de 5 % du capital de cette société, permettant ainsi à M. Z d’en devenir le gérant et de piloter ses projets de développement et de modernisation, à travers la gestion d’un camping exploité dans le cadre d’une délégation de service public.
Le Comité estime en conséquence que la création des sociétés A et B, qui ne sont pas dépourvues de toute substance économique, répond, indépendamment de l’économie fiscale qu’elle procure par ailleurs, à des préoccupations familiales et patrimoniales ainsi qu’au souhait des époux X d’accompagner leurs enfants dans le développement de leur activité professionnelle respective dans le cadre d’une stratégie propre à chacun d’eux en leur permettant de disposer des ressources financières à cette fin sans pour autant se défaire eux- mêmes de leur propre patrimoine. Il considère ainsi que, nonobstant l’avantage fiscal qui en découle, les opérations en cause ne procèdent pas de la recherche d’un but exclusivement fiscal.
Le Comité émet en conséquence, au regard des dispositions législatives applicables à l’époque des faits, l’avis que l’administration n’était pas fondée en l’espèce à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal. »
Nota : l’administration s’est rangée à l’avis émis par le comité.
Eric DELFLY
Vivaldi-Avocats