Source : CE 21/09/2016 n°383857 mentionné dans les tables du recueil Lebon
Un contribuable qui subit une vérification de comptabilité bénéficie de certains droits destinés notamment à garantir l’instauration d’un débat avec l’administration.
Il peut ainsi solliciter un entretien avec l’inspecteur principal de l’inspecteur vérificateur si les rectifications proposées sont maintenues après les observations du contribuable ainsi qu’un entretien avec l’interlocuteur départemental si le premier recours hiérarchique n’a pas favorablement abouti.
Ces droits sont expliqués dans la chartre du contribuable remis au contribuable avant le début du contrôle. L’avis de vérification adressé au contribuable précise également que celui-ci peut demander à rencontrer le supérieur hiérarchique de l’inspecteur vérificateur si des difficultés apparaissent au cours du contrôle.
La difficulté est qu’il peut s’écouler plusieurs semaines voire mois entre la remise du fascicule et de l’avis et la possibilité pour le contribuable de solliciter les recours ouverts.
L’arrêt commenté se penche sur ce point et le Conseil d’Etat, sans mettre à la charge de l’administration fiscale une obligation d’information continue du contribuable de ses droits, permet de la sanctionner lorsque le contribuable a été induit en erreur.
En l’espèce un contribuable a fait l’objet d’une procédure de rectification contradictoire et à reçu à cette occasion la chartre du contribuable. Il n’a sollicité au cours de la procédure aucun recours hiérarchique.
Contestant les suppléments d’impôts mis à sa charge, il soulevait l’irrégularité de la procédure au motif qu’il a été privé de la garantie de pouvoir obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique à cause des mentions figurant sur la réponse de l’administration à ses observations qui l’avaientt induit en erreur sur la possibilité de bénéficier de ce recours hiérarchique.
La réponse donnée par l’administration fiscale aux observations du contribuable est faite sur un formulaire type 3926 dont la première page informe le contribuable sur la suite qu’il peut donner à la procédure.
Le plus souvent figure en première page la liste de plusieurs organes que le contribuable peut saisir, le service devant cocher la case de l’organe compétent : commission de conciliation, commission des taxes sur le chiffres d’affaires et des impôts directs… mais il n’est jamais indiqué qu’outre la saisine de ces entités, le contribuable peut solliciter un recours hiérarchique.
En l’espèce, il était indiqué que le contribuable pouvait saisir le conciliateur fiscal.
Il soutenait donc que la réponse de l’administration fiscale l’avait induit en erreur. A la lecture du document, il pouvait légitimement penser qu’il ne pouvait saisir que le conciliateur fiscal et aucun autre organe ; en d’autres termes que la liste figurant sur le courrier était limitative.
La Cour Administrative d’Appel ne fait pas droit à sa demande au motif qu’aucune demande recours hiérarchique n’avait été adressée à l’administration.
Le Conseil d’Etat annule l’arrêt au motif que la juridiction d’appel s’est abstenue de répondre au moyen du contribuable mais ne se prononce pas sur le fond. Il renvoie l’affaire devant une autre juridiction pour que celle-ci se prononce.
Le Conseil d’Etat ouvre cependant la voie à une irrégularité de procédure en jugeant qu’un contribuable bien que n’ayant pas sollicité de recours hiérarchique au cours de la procédure de vérification peut « utilement soutenir que, compte tenu des circonstances de fait, et notamment des informations que l’administration a portées à sa connaissance dans la proposition de rectification ou dans la réponse à ses observations, l’administration l’a induit en erreur sur la possibilité d’obtenir un débat avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, alors même qu’elle n’était pas légalement tenue de faire connaître, à ce stade de la procédure, sa faculté d’obtenir un tel débat ».
Ainsi, pour obtenir l’annulation de la procédure pour irrégularité de forme, le contribuable ne peut se borner à indiquer qu’il n’y a pas eu de débat avec les supérieurs hiérarchiques faute pour lui d’avoir sollicité un recours. Il doit justifier qu’il n’a pas fait la demande, non parce qu’il ne souhaitait pas échanger avec le service, mais parce que les informations qu’il a reçues de l’administration fiscale l’ont induit en erreur sur l’étendue de ses droits.
L’appréciation de la situation dépendra uniquement des juridictions du fond et ne pourra donc pas faire l’objet d’un pourvoi en cassation
Cet arrêt doit être salué car même si le Conseil d’Etat rappelle clairement que l’administration fiscale n’a pas d’obligation d’information du contribuable sur les recours hiérarchiques, cette menace d’annulation de la procédure conduira nécessairement l’administration fiscale à plus de transparence pour éviter tout contentieux. Elle pourrait ainsi modifier ses formulaires et ajouter à liste des recours à la disposition des contribuables les recours hiérarchiques.
Caroline DEVE
Vivaldi-Avocats