SOURCE : Cour d’appel de Versailles, 12ème Chambre, 5 janvier 2016, RG n°14/03339
La société SAVENCIA, spécialisée dans la commercialisation de produits laitiers et fromagers, a élaboré en 1956 un fromage au cœur frais et à la pâte fondante, dénommé « Caprice des Dieux », en forme de calisson et avec un code couleur bleu. Il était initialement distribué en format classique de 200 grammes, puis a été décliné en format familial de 300 grammes.
Pour répondre aux besoins de la grande distribution, le Groupe SAVENCIA a fabriqué des produits dits « MDD » (marque de distribution) et notamment un formage « Cœur de crème » pour les centres Leclerc et un fromage « Cœur complice » pour le Groupe Carrefour, en 200 et 300 grammes.
La grande distribution a ensuite décidé de confier la fabrication des fromages « Cœur de crème » et « Cœur complice » à d’autres groupes concurrents.
En 1988, le Groupe SAVENCIA a créé le « Mini Caprice » de 50 grammes, vendu par trois dans un étui en carton de couleur bleue, dont les découpes font apparaître le produit en partie.
Le Groupe SAVENCIA ayant constaté la commercialisation de lots de trois fromages de 50 grammes « Mini Cœur de crème » et « Mini Cœur complice » par les centres Leclerc et le Groupe Carrefour, elle a assigné la société GUILLOTEAU, fabricant de ces produits, en concurrence déloyale et parasitisme.
Alors que les premiers juges avaient donné raison à la société GUILLOTEAU, la Cour d’appel de Lyon a reconnu, au contraire, que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme avaient été commis à l’encontre du Groupe SAVENCIA, rappelant que la liberté du commerce implique qu’un produit puisse être reproduit, mais sous la condition de l’absence de risque de confusion dans l’esprit du consommateur sur son origine.
Au cas d’espèce, la Cour retient que si les produits « Cœur complice » et « Cœur de crème » ont été autorisés à la fabrication en 200 ou 300 grammes, il ne saurait en être déduit le droit de fabriquer un produit reprenant les éléments caractéristiques du « Mini Caprice des Dieux », jamais fabriqué en MDD.
Mais encore, les produits litigieux, à l’instar du « Mini Caprice des Dieux » sont des fromages à pâte molle, en forme de calisson, de petit format, d’un poids de 50 grammes vendus par trois et commercialisés dans des étuis en carton de forme parallélépipède allongée, comportant une face pleine tripartite, à la couleur bleue dominante.
Ainsi, force est de constater que les produits « Mini Cœur Complice » et « Mini Cœur de Crème » reproduisent les éléments caractérisant et identifiant le « Mini Caprice des Dieux », qu’il s’agisse du produit, de son étui, de sa présentation et de son mode de commercialisation, et que la reprise de ces caractéristiques n’est pas nécessaire, puisqu’il existe une multitude de variantes possibles pour commercialiser un tel produit.
Il en résulte que les produits en litige créent une impression d’ensemble semblable, engendrant un risque de confusion pour le consommateur moyen, ce qui traduit un comportement déloyal imputable à la société GUILLOTEAU, attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
La Cour a également retenu que la société GUILLOTEAU avait commis des actes de parasitisme, en considérant que la mise sur le marché en 2011 des produits incriminés, qui ne saurait être fortuite, procède de la volonté délibérée de profiter indûment du fruit des investissements d’autrui, de la notoriété acquise par le « Mini Caprice des Dieux » et de se placer dans le sillage du Groupe SAVENCIA.
Les condamnations prononcées en appel à l’encontre de la société GUILLOTEAU ne sont pas des moindres et démontrent l’importance d’investir et de protéger son packaging, puisque la Cour a entendu indemniser le Groupe SAVENCIA à hauteur de 420.000 euros au titre de la concurrence déloyale et de 250.000 euros au titre des agissements parasitaires.
Virginie PERDRIEUX
Vivaldi-Avocats