Le cessionnaire est responsable envers le syndicat des copropriétaires des dégradations des espaces communs commis par le cédant

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : 3ème civ, 30 septembre 2015, n°14-21237, FS – P+B, Bulletin d’information n°836 du 15 février 2016 (n°192)

 

En l’espèce, le cessionnaire d’un fonds de commerce de café brasserie relève l’état fortement dégradé du plancher du rez de chaussée. Considérant, sans doute à la lecture du règlement de copropriété, qui répute généralement « commun » le gros œuvre des planchers (contrairement aux revêtements de sols qui sont privatifs), le preneur assigne le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sur le fondement de l’article 14 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, lequel dispose que le syndicat des copropriétaires :

 

« est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d’entretien des parties communes (…) ».

 

Le preneur pouvait en effet, selon la jurisprudence, agir directement contre le syndicat en raison des troubles de jouissance inhérents au vice de construction ou au défaut d’entretien d’une partie commune[1].

 

En défense, le Syndicat des copropriétaires nie toute responsabilité et sollicite reconventionnellement la condamnation du preneur à exécuter les travaux de plancher.

 

Concernant la responsabilité du Syndicat

 

Un rapport d’expertise contradictoire avait imputé la cause des désordres à une fuite provenant d’un équipement sanitaire privatif, intervenue à une date indéterminée, durant la période de jouissance du précédent preneur.

 

La Cour d’appel de Caen, approuvée par la Cour de cassation, en déduit que le désordre a pris sa source dans une partie privative, excluant la responsabilité du Syndicat.

 

Concernant la responsabilité du Preneur

 

Bien que tiers au contrat de bail, le Syndicat des copropriétaires a qualité pour solliciter la condamnation du preneur à s’acquitter des clauses du bail. En effet, le Syndicat a la possibilité d’invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui cause un dommage[2], et peut même, dans le cadre d’un bail commercial, solliciter directement l’application de la clause résolutoire et l’expulsion corrélative du preneur, en lieu et place du bailleur[3].

 

Dont acte, mais pour le preneur, l’action est mal dirigée, les désordres ayant été occasionnés par le précédent preneur à bail. Or, selon lui, la cession de fonds de commerce ne comprend ni les créances ni les dettes du cédant.

 

Cette position est contraire à la jurisprudence, qui considère que « les cessions successives d’un bail commercial opèrent transmission des obligations en découlant au dernier titulaire du contrat qui devient débiteur envers le bailleur des dégradations causées par ses prédécesseurs »[4].

 

Le preneur était donc contractuellement responsable envers le Bailleur des dégradations commis par le cédant sur les parties communes. Sa responsabilité délictuelle pouvait donc être engagée par le syndicat des copropriétaires.

 

Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, condamnent donc le preneur à réparer le plancher.

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

 


[1] Sabrina BOUZOL, Les conséquences du défaut d’entretien du local commercial par le cédant, JCPE G 19 octobre 2015 n°43

[2] Ass plen, 6 octobre 2006, n°05-13255

[3] 3ème civ, 14 novembre 1985, n°84-15577

[4] 3ème civ, 9 juillet 2003, n°02-11794. Dans le même sens : Cass com., 1er décembre 1965, BAKHOUCHE / BELLILE; 3ème civ, 30 janvier 2002, n°00-16284 ; 3ème civ, 8 octobre 2015, n°14-13179, FS – P+B ; et notre article chronos du 17 décembre 2015

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