La bonne foi peut sauver de la contrefaçon

Virginie PERDRIEUX
Virginie PERDRIEUX

 

SOURCE : Cour de justice de l’Union européenne, 2ème chambre, arrêt du 3 mars 2016, C-179/15, Daimler AG / Együd Garage Gépjarmujavito és Ertékesito Kft.

 

La société Daimler, fabricant de véhicules automobiles, est titulaire de la marque internationale figurative « Mercedes-Benz » visant notamment le territoire de la Hongrie.

 

A partir de 2007, la société hongroise Együd Garage, spécialisée dans la vente et la réparation de voitures, a été liée à une filiale de la société Daimler par une convention de service après-vente lui donnant le droit d’utiliser la marque « Mercedez-Benz » et de faire apparaître la mention « réparateur Mercedes-Benz agréé » dans ses propres annonces.

 

La société Együd Garage a commandé auprès d’une société de service d’annonces sur Internet la publication, pour la période couvrant les années 2011 à 2012, d’une annonce indiquant cette société comme réparateur Mercedes-Benz agréé.

 

A la suite de la résiliation de la convention, la société Együd Garage a demandé la modification de l’annonce commandée pour qu’elle ne la mentionne plus comme réparateur Mercedes-Benz agréé et a sollicité auprès des exploitants de plusieurs autres sites Internet la suppression d’annonces en ligne publiées sans son consentement, qui la présentaient également comme réparateur Mercedes-Benz agréé.

 

Mais, ces démarches n’ayant abouti à aucun résultat, la société Daimler a introduit un recours devant les juridictions hongroises pour faire constater des actes de contrefaçon commis par la société Együd Garage et la condamner à supprimer les annonces en cause.

 

Pour résoudre ce litige, les juridictions hongroises ont décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne de la question préjudicielle suivante :

 

« Faut-il interpréter l’article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive 89/104 en ce sens que le titulaire de la marque peut interdire à un tiers mentionné dans une annonce sur Internet de faire usage, pour des services de ce tiers identiques à des services ou à des produits pour lesquels la marque est enregistrée, d’un signe, pour lequel il existe un risque de confusion avec la marque, qui apparaît de telle manière dans cette publicité qu’il est susceptible de faire naître dans l’esprit du public l’impression trompeuse qu’il existe une relation commerciale officielle entre l’entreprise de ce tiers et le titulaire de la marque, même si l’annonce n’a pas été placée sur Internet par la personne qui y est mentionnée ou en son nom ou que cette annonce se retrouve sur Internet en dépit du fait que la personne mentionnée dans ladite annonce a fait, en vain, tout ce que l’on peut attendre d’elle pour faire disparaître l’annonce d’Internet ? ».

 

En droit, le titulaire de la marque est habilité à interdire l’usage, sans son consentement, d’un signe identique à ladite marque par un tiers, lorsque cet usage a lieu dans la vie des affaires, est fait pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, parmi lesquelles figurent non seulement la fonction essentielle de la marque qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service, mais également les autres fonctions de celle-ci, comme notamment celle consistant à garantir la qualité de ce produit ou de ce service ou celles de communication, d’investissement ou de publicité.

 

Il convient de rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne a déjà eu l’occasion de constater que l’usage d’une marque, sans l’autorisation du titulaire, par un tiers, fait en vue d’annoncer au public que ce tiers effectue la réparation de produits revêtus de cette marque constitue, dans certaines circonstances, un usage illicite de la marque.

 

Au cas particulier, dès lors que la convention de service après-vente conclue entre la filiale de la société Daimler et la société Együd Garage permettait expressément un tel usage, il doit être considéré que celui-ci a été fait avec le consentement du titulaire.

 

Concernant la subsistance de cet usage postérieurement à la résiliation de la convention, la Cour retient que, si la mise en ligne sur un site Internet de référencement d’une annonce publicitaire mentionnant une marque d’autrui est imputable à l’annonceur qui a commandé cette annonce et sur instruction duquel l’exploitant de ce site, en tant que prestataire de service, a agi, on ne saurait en revanche imputer à cet annonceur des actes ou des omissions d’un tel prestataire qui, délibérément ou par négligence, passe outre les instructions expresses données par ledit annonceur qui visent, précisément, à éviter cet usage de la marque.

 

Il en est de même concernant les exploitants de sites Internet de référencement, avec lesquels l’annonceur n’entretient aucune relation directe ou indirecte et qui agissent de leur propre initiative et en leur propre nom.

 

Dans ces cas particuliers, la Cour retient que le titulaire de la marque n’est pas habilité à agir à l’encontre de l’annonceur afin de lui faire interdire la mise en ligne de l’annonce comportant la mention de sa marque, mais qu’il pourra cependant lui réclamer la restitution de l’avantage économique qu’il a pu en tirer sur le fondement du droit national et agir à l’encontre des exploitants des sites Internet de référencement en question.

 

Virginie PERDRIEUX

Vivaldi-Avocats

 

 

 

 

 

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