La Banque n’a pas à mettre en garde l’emprunteur sur les risques de l’opération financée.

Jacques-Eric MARTINOT
Jacques-Eric MARTINOT - Avocat

 

Source : Cass.Com., 20 avril 2017 n° 15-16316, F-D

 

I – Les faits.

 

Une Banque octroie quatre prêts à une SCI à un taux d’intérêt nominal, initialement fixé à 4,80%.

 

La SCI va très vite s’apercevoir que si le projet dont elle entend la réalisation est viable au taux initial, un taux de 6% apparait comme un taux plafond de rentabilité.

 

La SCI assignera par conséquent la Banque en estimant que l’établissement prêteur a manqué à son devoir de mise en garde quant au caractère variable du taux d’intérêt et du risque de défaillance de la SCI.

 

Le défaut du devoir de mise en garde se réparant en dommages-intérêts, la SCI assigne donc la Banque en réparation de sa perte de chance de ne pas contracter.

 

Après avoir été déboutée en appel, la SCI forme un pourvoi devant la Cour de cassation. 

 

II – La procédure.

 

Afin de bien comprendre la motivation de la Cour de cassation, il est nécessaire de lire les moyens développés reproduits ci-dessous :

 

– «  […]

 

– 2°/ que les obligations d’information et de mise en garde pesant sur la banque lui imposent d’attirer spécialement l’attention de l’emprunteur non averti sur les caractéristiques du prêt, ses charges et ses risques, peu important que les caractéristiques du crédit soient clairement mentionnées au contrat ; qu’en jugeant que la banque n’avait pas manqué à ses obligations d’information et de mise en garde de la société, au motif inopérant que les mentions du contrat étaient claires et qu’il n’existait aucun risque d’insolvabilité, sans rechercher si la banque avait exposé à la société les caractéristiques objectives des crédits, et notamment la stipulation d’un taux variable, et l’avait mise en garde contre les charges du prêt et les risques d’endettement excessif, en lui présentant notamment les risques de la stipulation d’un taux variable en la comparant à la stipulation d’un taux fixe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du Code civil ;

 

– 3°/ que soutenant que « si le projet de la SCI était viable avec un taux fixe à 4, 80 %, il ne l’était plus à 6 %… », la société prétendait bien qu’elle était exposée à un risque d’insolvabilité dans les conditions dans lesquels les contrats litigieux avaient été initialement souscrits sans que la banque n’accomplisse, à son égard, son obligation d’information et de mise en garde, notamment sur la stipulation d’un taux d’intérêt variable ; qu’en retenant pourtant, pour exclure tout manquement de la banque à ses devoirs d’information et de mise en garde, que la société ne prétendait pas être exposée à un risque d’insolvabilité, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de la demanderesse en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; »

 

La Cour de cassation rejettera le pourvoir et précisera que :

 

« Mais attendu, en premier lieu, que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l’opération financée ; que, contrairement à ce que soutient la troisième branche, les conclusions qu’elle invoque ne prétendaient pas que les conditions des contrats de prêts initiaux avaient exposé la société à un risque d’insolvabilité, mais uniquement que l’opération financée n’était pas viable ; qu’ayant ainsi, sans encourir le grief de dénaturation, constaté que la société ne soutenait pas être exposée à un risque d’insolvabilité et ayant relevé que les incidents de paiement survenus étaient liés au différend des parties quant au montant des échéances, faisant ainsi ressortir que la société n’alléguait pas qu’à la date où ils avaient été souscrits, ses engagements étaient inadaptés à ses capacités financières ou qu’il existait un risque d’endettement né de l’octroi des prêts, la cour d’appel, abstraction faite des motifs, devenus inopérants, critiqués par les autres branches, a légalement justifié sa décision ;

 

Attendu, en second lieu, qu’ayant relevé que chacun des actes authentiques du 27 avril 2007 mentionne de façon parfaitement claire dans les conditions particulières, au paragraphe intitulé « taux d’intérêts », que le taux nominal du prêt est révisable puis détaille sur plusieurs pages les conditions et modalités de révision du taux nominal, que la gérante et l’associée ont paraphé chacune des pages, et que ces conditions et modalités étaient également précisées dans la lettre qui leur a été envoyée le 16 février 2007 contenant le modèle des actes authentiques aux fins d’information, la cour d’appel a recherché si la banque avait informé la société sur les caractéristiques objectives des crédits, et notamment la stipulation d’un taux variable ; »

 

II – Ce qu’il faut retenir.

 

La Cour précise par cet arrêt le contour du devoir de mise en garde. Celui-ci ne porte que sur l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque d’endettement qui résulte du prêt. Il n’est en aucun cas une mise en garde sur les risques de l’opération financée.

 

Cet arrêt vient à l’appui de l’arrêt rendu le 23 septembre 2014 et du 1 mars 2016 qui précisait que le devoir de mise en garde ne portait pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération financée ou encore que le risque de l’opération financée peut conduire à une absence de bénéfices ou des pertes.

 

Au surplus, l’obligation d’information est balayée par la Cour en ce que les prêts prennent la forme d’actes authentiques dont les pages sont paraphées et signées.

 

Jacques-Eric MARTINOT

Vivaldi Avocats.

 

Jacques-Eric MARTINOT

 

 

 

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