Contestation de créance par le mandataire judiciaire : la réponse du créancier à une première lettre de discussion suffit pour contester la proposition du mandataire

Thomas LAILLER
Thomas LAILLER

 

Source : Cass. com., 28 juin 2017, n°16-16.614, FS-P+B+I

 

I – Les faits

 

Une société est placée en redressement judiciaire le 27 mars 2013. Un créancier déclare, le 7 mai suivant, une créance d’un montant total de 1.241.484,71 €. Le mandataire judiciaire la conteste par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 27 août 2013, à laquelle le créancier répond le 26 septembre suivant, en produisant des pièces justificatives ainsi que le pouvoir du déclarant. Le montant réclamé est en outre réduit à 650.193,10 €, pour tenir compte de règlements partiels.

 

Une seconde lettre de discussion de la créance, visant à nouveau les dispositions de l’article L.622-27 du Code de commerce[1], est envoyée le 2 octobre 2013 par le mandataire judiciaire, pour faire état d’une contestation de la société débitrice tenant à la non-déduction d’avoirs. Le créancier n’y défère pas.

 

L’état des créances est ensuite arrêté avec la mention du rejet de la créance. Le créancier saisit le juge-commissaire d’une requête tendant à voir inscrire sa créance au passif. Ce dernier admet la créance. La société débitrice et le mandataire judiciaire font appel de cette décision.

 

La cour d’appel déclare le créancier irrecevable à saisir le juge-commissaire d’une contestation de l’état des créances. Elle retient que la mission du mandataire judiciaire, garant du respect des droits de tous les créanciers, l’a conduit, dans un premier temps, à la vérification du caractère certain, liquide et exigible de la créance déclarée et, dans un second temps, à transmettre une contestation émise par la société débitrice. Ainsi, la carence du créancier à respecter le délai de forclusion, qui lui a été rappelé, lui interdit de contester la décision de rejet du juge-commissaire conforme à la proposition du mandataire.

 

II – L’arrêt de cassation

 

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation, censure l’arrêt d’appel, « puisqu’aucune disposition ne contraint le créancier, qui, ayant répondu à une première lettre de contestation de sa créance dans le délai imparti, ne peut être exclu du débat sur cette créance et doit être convoqué devant le juge-commissaire appelé à statuer sur la contestation, à répondre à une nouvelle lettre de discussion de la même déclaration de créance ».

 

En d’autres termes, une première réponse apportée par le créancier au mandataire en temps utile est donc exclusive de toute sanction. La Haute juridiction rappelle aussi que  le créancier doit être dans ce cas convoqué devant le juge-commissaire appelé à statuer sur la contestation.

 

III – Une application du texte souple à l’égard des créanciers

 

La Cour de cassation a déjà décidé que le seul fait pour le créancier de répondre dans le délai imparti (30 jours à compter de la réception de la lettre recommandée avec accusé de réception du mandataire) est suffisant pour être recevable à contester la proposition du mandataire, peu importe le caractère insuffisant ou incomplet de la réponse[2], ou que l’appréciation du contenu de la réponse du créancier fait partie de la discussion elle-même, et ne relève pas de la sanction édictée pour défaut de réponse[3]. L’arrêt ci-commenté est dans la même veine que ces décisions, et tend à limiter la « chausse-trappe » pour les créanciers.

 

Thomas LAILLER

Vivaldi-Avocats



[1] Article L.622-27 du Code de commerce : « S’il y a discussion sur tout ou partie d’une créance autre que celles mentionnées à l’article L.625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l’invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances. »

[2] Cass. com. 11 déc. 2001, n°98-21.880

[3] Cass. com. 15 oct. 2002, n°99-11873

 

 

 

 

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