L’acte notarié entaché d’une irrégularité formelle conserve son caractère exécutoire

Geneviève FERRETTI
Geneviève FERRETTI

 

SOURCE : Cass, Chambre Mixte, 21 décembre 2012. Pourvoi n° K 11-28.688. Arrêt n° 273 P+B+R+I

 

On se souvient que la deuxième chambre civile, par cinq arrêts du 7 juin 2012[1], avait jugé que l’inobservation de l’obligation par le Notaire, prévue à l’article 21 du décret n°71-941, d’annexer une procuration à un acte authentique faisait perdre à l’acte notarié son caractère authentique et sa qualité de titre exécutoire permettant de fonder une mesure conservatoire ou d’exécution forcée.

 

La conséquence de cette irrégularité faisait que l’acte ne valait que comme écriture privée.

 

Par deux arrêts du 21 décembre 2012, la chambre mixte de la Cour de cassation a jugé qu’il résulte de la combinaison de l’article 41 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 et de l’article 1318 du Code Civil que l’inobservation de l’obligation  pour le Notaire de satisfaire à l’article 21 du Décret précité d’annexer les procurations à l’acte authentique à moins qu’elles ne soient déposées aux minutes du Notaire, ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique et dés lors, l’acte peut faire l’objet de mesures d’exécution.

 

En l’espèce, la banque avait engagé des poursuites de saisie immobilière à l’encontre de son débiteur sur le fondement d’un acte notarié de prêt.

 

Le débiteur a contesté le caractère exécutoire du titre servant de fondement aux poursuites.

 

La Cour d’Appel d’Aix en Provence dans un arrêt en date du 14 octobre 2011 a débouté le débiteur de sa demande de mainlevée de saisie immobilière, considérant que la banque disposait d’un titre exécutoire comportant une créance liquide et exigible lui permettant de diligenter des voies d’exécution.

 

La Cour d’Appel ordonner donc la vente aux enchères publiques de l’immeuble saisi.

 

Le débiteur forme alors un pourvoi en cassation faisant grief à la Cour d’Appel de l’avoir débouté, alors notamment qu’une procuration doit, soit être annexée à l’acte pour lequel elle a été consentie, soit déposée au rang des minutes, sans que l’annexion à un autre acte ne puisse valoir annexion à cet acte ou dépôt au rang des minutes, lequel constitue un acte distinct.

 

Qu’en l’espèce, la Cour d’Appel a retenu que le débiteur ne contestait ni l’existence, ni avoir signé une procuration reçue par Me X, le 17 juillet 2003, aux termes de laquelle il constituait pour mandataire spécial « tous clercs de notaire de l’Etude de Me Y…… » et à qui il a donné tous pouvoirs « pour acquérir…. » et « emprunter….. »

 

La Cour d’Appel de constater que l’examen de l’acte de vente du 4 novembre 2003 démontre que la procuration notariée du 17 juillet 2003 y est bien annexé, cette procuration portant la mention « annexée à la minute d’un acte reçu par le notaire soussigné le 4 novembre 2003 » suivi de la signature du Notaire.

 

La Cour d’Appel de poursuivre en indiquant que la procuration du 17 juillet 2003 ayant plusieurs objets, elle ne pouvait être annexée qu’à l’un de ces actes, en l’occurrence à l’acte de vente du 4 novembre 2003, référence à cette procuration étant portée dans les autres actes.

 

La Cour de Cassation approuve la Cour d’Appel, rejette le pourvoi.

 

 Voici ce qu’il est jugé :

« Mais attendu que l’inobservation de l’obligation pour le notaire de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire ; que, par ce motif de pur droit suggéré par la défense, substitué à ceux critiqués, la décision déférée se trouve légalement justifiée ; que le moyen ne peut être accueilli».

 

Dans l’autre arrêt de la Cour de Cassation du 21 décembre 2012[2] , la Cour d’Appel se voit censurée pour avoir jugé irrégulière une procédure de saisie-attribution et ordonné la mainlevée, motif pris  qu’il n’est pas indiqué que la procuration est annexée à l’acte ni qu’elle est déposée au rang des minutes du Notaire, en violation des dispositions du Décret précité.

 

La Chambre mixte, composée des première, deuxième et troisième chambre civiles, reprenant la même formulation dans les deux arrêts du 21 décembre 2012, jugent que l’inobservation de l’obligation pour le Notaire de faire figurer les procurations en annexe de l’acte authentique ou de les déposer au rang de ses minutes, ne fait pas perdre à l’acte son caractère authentique, partant son caractère exécutoire, et valide les procédures engagées.

 

En conclusion, il convient de faire observer à nos lecteurs que les 5 arrêts du 5 juin 2012 avaient été rendus sur avis non conforme du premier Avocat Général.

 

Il avait été souligné à l’époque, que ces décisions risquaient de rencontrer l’incompréhension chez certains créanciers et chez les Notaires qui pourraient se voir appelés en la cause en cas de litige.

 

Ce revirement opéré par la Cour de Cassation a le mérite d’éclaircir la situation.

 

Geneviève FERRETTI

Vivaldi-Avocats

 


[1] Cf. CHRONOS 18 Juin 2012 « L’acte notarié entaché d’une irrégularité formelle n’est pas un titre exécutoire »

[2] Cass. Ch.mixte, 21 déc.2012, n° 12-15.063, n° 274 P +B +R + I

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