L’obligation de reprise des déchets du bâtiment par les distributeurs est conforme à la constitution

Sylvain VERBRUGGHE
Sylvain VERBRUGGHE

 

SOURCE : CC, 17 janvier 2017, n°2016-605, QPC

 

Créé par l’article 93 de la loi n°2015-992 du 17 aout 2015, l’article L541-10-9 du Code de l’environnement oblige certains grossistes à reprendre les déchets de matériaux de construction. L’inquiétude du secteur quant à cette nouvelle contrainte à conduit à la saisine du Conseil Constitutionnel, lequel a validé ces dispositions (I). Les grossistes en matériaux de construction devront donc s’organiser aux fins d’assurer la collecte des déchets visés par le texte (II).

 

I – La décision du Conseil constitutionnel

 

Saisi par le Conseil d’Etat au terme d’un arrêt du 17 octobre 2016 rendu sur requête en annulation pour excès de pouvoir de l’article 93 de la loi n°2015-992 du 17 aout 2015 (article L541-10-9 du Code de l’environnement), le Conseil Constitutionnel à estimé que ces dispositions sont conformes à la Constitution.

 

Plusieurs griefs étaient portés par la Confédération française du commerce de gros et du commerce international (« l’association ») à l’encontre de la loi, notamment une non-conformité aux principes de liberté d’entreprendre et d’égalité devant la loi.

 

Le Conseil Constitutionnel ne partage pas cette position, estimant, concernant la liberté d’entreprendre, que les contraintes de reprise ne sont pas excessives au regard des objectifs de protection de l’intérêt général poursuivi par le législateur.

 

L’intention du législateur est en effet de mettre en place un important maillage de circuit de valorisation, de manière à limiter les transports de déchets de chantiers immobiliers et réduire leur dépôt sauvage.

 

Concernant la rupture d’égalité devant la loi, l’association prétendait que l’obligation de reprise ne s’adresse qu’aux grossistes et non aux distributeurs dont la clientèle est tout autant composée de professionnels et particuliers. Le Conseil constitutionnel n’y voit pas non plus matière à grief, considérant que la situation des distributeurs s’adressant uniquement aux professionnels n’est pas la même que celle des distributeurs s’adressant aux particuliers et accessoirement, aux professionnels, de sorte qu’à situation différente, un traitement différent est possible.

 

Le Conseil constitutionnel en déduit que l’article L541-10-9 du Code de l’environnement est conforme à la constitution.

 

II – Sur le contenu de l’obligation pesant sur les distributeurs de matériaux

 

II – 1. Qui est concerné par l’obligation de reprise ?

 

Selon les articles L541-10-9, D543-288 et D543-289 du Code de l’environnement, il s’agit :

 

Des commerces de gros de bois, de matériaux de construction et d’appareils sanitaires, de quincaillerie et fournitures pour plomberie et chauffage et divers matériaux, ainsi que les Intermédiaires du commerce en bois et matériaux de construction. Ne sont pas concernés les fabricants (article D543-289)

 

Qui distribuent des matériaux, produits et équipements de construction, à une clientèle de professionnels (L541-10-9), à l’exclusion des distributeurs s’adressant à titre accessoire aux professionnels du bâtiment, ce que confirme le Conseil constitutionnel (L541-10-9);

 

Disposant d’une surface de vente accessible au public de plus de 400 m² (D543-288 et D543-289)

 

Réalisant, sur le site, plus d’un million de chiffre d’affaires (D 543-289)

 

II – 2. Quelles obligations ?

 

Une reprise de déchets de matériaux, produits et équipement

 

Le distributeur sera tenu de reprendre les déchets issus des mêmes types de matériaux, produits et équipements de construction qu’il vend (L541-10-9). Il est donc indifférent que les déchets proviennent ou non de ses propres produits : le distributeur doit assurer la reprise des déchets de matériaux du même type que ceux qu’il vend sur le site (D543-288), étant entendu, mais sans que le texte ne l’énonce expressément, que la reprise doit être gratuite.

 

Une reprise sur site ou a proximité immédiate …

 

La reprise des déchets de matériaux devra être réalisée sur le site de distribution ou à proximité de celui-ci dans un rayon maximal de dix kilomètres dument indiqué (affichage visible sur le site de vente et le site internet) (D543-289), ce qui suppose que le site d’accueil de valorisation respecte les règlementations d’urbanisme applicables à cette activité de valorisation.

 

En toute hypothèse, le choix du site devra être effectué en concertation avec les pouvoirs publics (L541-10-9)

 

… En l’absence de déchetterie professionnelle ou publique de proximité

 

La réforme n’oblige cependant pas chaque distributeur à se doter d’un système de récupération. Selon Madame la Ministre de l’Ecologie, (Réponse aux questions écrites n° 18807, n° 18492 et n° 18388, du Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargé des relations internationales sur le climat, publiée dans le JO Sénat du 22/09/2016 – page 4083) :

 

« le décret permet la mutualisation de l’activité de reprise entre distributeurs ou avec une déchetterie communale ou professionnelle existante. Autrement dit, il n’oblige pas chaque site à investir. La mutualisation permettra aux professionnels d’optimiser leurs investissements. »

 

Par conséquent, certains distributeurs pourront s’appuyer sur les déchetteries existantes. Les autres pourront tenter de créer en commun un site de valorisation, sous réserve qu’il ne soit pas éloigné de plus de dix kilomètre de chacun.

 

II – 3. Quelles sanctions ?

 

Méconnaître les prescriptions de l’article L541-10-9 est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (art L541-46)

 

Sylvain VERBRUGGHE

Vivaldi-Avocats

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