Source : Cass. Com., 24 janvier 2018, pourvois n° 16-20.589 et n° 16-22.128 FS-P+B+I.
La jurisprudence revient régulièrement sur les conditions et portées de la procédure de revendication d’un bien par un créancier réservataire.
A ce titre, il est régulièrement rappelé que l’action en revendication tend à rendre opposable à la procédure collective le droit de propriété dont se prévaut le créancier revendiquant.
Sur un plan pratique, le créancier revendiquant doit procéder en deux phases :
– Tout d’abord à une demande en acquiescement à revendication, adressée, selon les cas, à l’Administrateur judiciaire (procédures de sauvegarde ou de redressement avec AJ), au débiteur (procédures de sauvegarde ou de redressement sans AJ), ou au Mandataire liquidateur (liquidations judiciaires). L’organe compétent pour répondre dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Si l’acquiescement est donné, tout va bien et le droit de propriété est bien reconnu, étant rappelé que le droit à restitution au créancier revendiquant est un corollaire du droit de propriété.
En revanche, si l’acquiescement n’est pas donné, soit au titre d’un refus ou d’un défaut de réponse, le créancier doit alors passer à l’étape suivante.
– Le créancier doit alors introduire une requête en revendication, présentée au Juge Commissaire, dans le délai d’un mois courant, soit à compter de la réponse valant refus, ou en cas de défaut de réponse dans le délai du mois à compter de l’expiration du propre délai de réponse de l’organe compétent.
Enfin, il sera utilement rappelé que la revendication suppose la présence en nature, dans le patrimoine de la débitrice, du bien revendiqué. Si ce bien a été revendu, le Code de Commerce prévoit le report de la revendication sur la quote-part du prix non encore réglée, par le sous-acquéreur, au débiteur/premier acquéreur.
L’arrêt ici rendu aborde deux points intéressants de la procédure de revendication, dont l’analyse est rendue possible par une complication de la procédure de revendication liée à l’intervention volontaire, dans le cadre de l’instance en revendication devant le Juge Commissaire, du sous-acquéreur, en l’espèce une société d’affacturage.
En effet, le créancier revendiquant a ici entendu faire valoir sa clause de réserve de propriété. L’Administrateur judiciaire de la débitrice n’acquiesce que partiellement à cette demande en revendication.
Il s’agit ici du premier intérêt de l’arrêt : en effet, la Cour de cassation semble confirmer sa jurisprudence antérieure[1], selon laquelle le désaccord entre le créancier revendiquant et l’organe compétent pour acquiescer ou non à la revendication, même seulement partiel, oblige le créancier revendiquant à saisir le Juge Commissaire pour le tout. Un accord de principe, ici de l’Administrateur, mais une divergence de vue sur la portée du droit de propriété est insuffisante, obligeant le créancier à faire valoir ses droits par la juridiction compétente, le Juge Commissaire.
Mais ici, une fois le Juge Commissaire saisi, le dossier se complique : l’affactureur subrogé dans les droits du sous-acquéreur du bien grevé de la clause de réserve de propriété, conteste l’accord de principe donné par l’Administrateur en intervenant volontairement à l’instance. C’est le second intérêt de l’arrêt, dans le cadre duquel la question s’est posée de la possibilité d’une intervention d’un tiers au cours de l’instance en revendication. La Cour de cassation, confirmant l’arrêt d’appel sur ce point, considère que le tiers est bien irrecevable à intervenir à l’instance, sur le double fondement de l’article L. 624-17 du Code de Commerce, qui réserve la saisine du Juge Commissaire, en matière de revendication, au créancier revendiquant, et sur celui de l’article L. 621-9 du même code, bien plus intéressant en l’espèce, qui dispose que « le Juge Commissaire est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence ».
En d’autres termes, le tiers soutenait avoir un intérêt propre à intervenir à l’instance et qu’il entrait dans la mission du Juge Commissaire de veiller aux intérêts de toutes les parties en présence. La Cour de cassation rejette l’argument, recentrant l’action en revendication sur son seul objectif : celui de la reconnaissance, ou non, de l’opposabilité du droit de propriété du créancier revendiquant à l’égard de la procédure collective, à l’exclusion de tout autre. L’arrêt d’appel est donc confirmé sur ce point.
En revanche, la Cour casse néanmoins l’arrêt d’appel sur un troisième sujet : elle reproche en effet à la Cour d’avoir repris purement et simplement les montants revendiqués par le créancier, sans avoir procédé à l’analyse qu’il lui appartenait d’opérer sur le montant des sommes restituées à la procédure collective par le sous-acquéreur. En effet, comme il a été rappelé ci-avant, le créancier revendiquant, en cas de cession du bien grevé de la clause de réserve de propriété à un sous-acquéreur, ne peut prétendre qu’à la revendication de la quote-part du prix non encore payée par le sous-acquéreur au jour du jugement d’ouverture. En ne procédant pas à cette recherche, la Cour d’Appel a violé les dispositions précitées.
Il s’agit donc d’un arrêt pour le moins intéressant qui précise un peu plus les mécanismes de la revendication.
Etienne CHARBONNEL
Associé
Vivaldi-Avocats
[1] 3 mai 2016, pourvoi n° 14-24.586.