L’affectio societatis est un élément spécifique de validité du contrat de société qui s’apprécie au moment de la création de celle-ci et non pas au moment d’une cession d’action.

Christine MARTIN
Christine MARTIN - Avocat associée

 

SOURCE : Cass.com., 11 juin 2013, n° 594 F – P + B (n° 12 – 22.296).

 

Après un an de pourparlers, l’associé à hauteur de 98 % du capital d’une SAS dont il était directeur général, désireux d’ouvrir son capital à de nouveaux partenaires, avait signé un acte sous seing privé le 03 avril 2008 prévoyant la cession au profit d’actionnaires entrants de 80 % du capital social de ladite SAS.

 

Les conditions suspensives ayant été réalisées, les cessionnaires voulurent réaliser la cession à laquelle ils avaient consenti.

 

Pourtant, le cédant notifiait aux cessionnaires son refus de signer les actes de cession, invoquant une perte de confiance liée à une attitude qu’il estimait fautive.

 

C’est ainsi que les bénéficiaires de la promesse assignèrent le promettant pour obtenir la réparation du préjudice résultant de la non exécution du protocole.

 

La Cour d’Appel de PARIS, dans un Arrêt du 14 février 2012, ayant fait droit à leur demande, considérant que l’acte, qui contenait l’engagement irrévocable des parties à céder ou acquérir et leur accord sur la chose et le prix, avait la nature d’une promesse à caractère synallagmatique qui valait vente et qu’en ne signant pas l’acte réitératif nécessaire à la délivrance des titres, le promettant a engagé sa responsabilité contractuelle, l’inexécution de son engagement ouvrant droit à réparation pour ses cocontractants.

 

Ensuite de cette décision, le promettant se pourvut en Cassation.

 

A l’appui de son pourvoi, le promettant fait grief à l’Arrêt d’appel d’avoir accueilli la demande des bénéficiaires alors, selon lui, qu’à l’instar du contrat de société originaire, qui postule l’affectio societatis des associés fondateurs, la cession partielle de titres sociaux lorsqu’elle vise pour le cédant à partager le contrôle de sa société avec de nouveaux associés, exige aussi bien l’existence d’une affectio societatis de la part du cédant et du cessionnaire, chacun étant appelé à s’associer et à concourir ensemble à la réalisation de l’objet social.

 

Il fait valoir qu’en l’espèce, la convention de cession n’avait pu se former faute d’affectio societatis de la part des bénéficiaires et qu’en écartant ce moyen au motif le contentieux en cause ne concernait pas le contrat de société originaire, les Juges du fond ont violé les articles 1134 et 1832 du Code Civil.

 

Mais, la Haute Cour, relevant que l’affectio societatis n’est pas une condition requise pour la formation d’un acte emportant cession de droits sociaux, considère que c’est donc à bon droit que l’Arrêt a retenu que le défaut d’affectio societatis, à supposer qu’il ait été avéré, ne faisait pas obstacle à la formation de la promesse synallagmatique de vente d’actions conclue entre les parties.

 

Le promettant fait encore grief à l’Arrêt d’avoir accueilli les demandes des bénéficiaires, alors que, selon lui, l’affectio societatis étant requise du cessionnaire de titres sociaux appelé à partager le contrôle de la société avec le cédant, ce dernier doit être admis à renoncer unilatéralement à l’opération s’il apparaît, une fois la promesse conclue, que l’affectio societatis fait défaut chez le cessionnaire.

 

Il prétend qu’en décidant le contraire au motif que l’affectio societatis ne saurait exiger qu’au jour de la formation du contrat de société, les Juges du fond ont violé les articles 1184 et 1832 du Code Civil.

 

Mais là encore la Haute Cour rejette le pourvoi, considérant que les conventions légalement formées ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel de ceux qui les ont faites ou pour les causes que la loi autorise, et que l’absence d’affectio societatis en la personne du cessionnaire de droits sociaux ne constitue pas l’une de ces causes.

 

Précision intéressante de la Cour de Cassation en matière d’affectio societatis, dont les décisions en la matière ne sont pas nombreuses.

 

A ce sujet, il est à préciser que si l’affectio societatis est une condition de validité du contrat de société, une fois la société immatriculée, la disparition de l’affectio societatis entraîne le cas échéant sa dissolution et non pas sa nullité.

  

 

Christine MARTIN

Associée

Vivaldi-Avocats

Print Friendly, PDF & Email
Partager cet article